Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a cinq ans, presque jour pour jour, la République était frappée au cœur. Il y a cinq ans, presque jour pour jour, mon ami Charb perdait la vie avec les membres de la rédaction assassinée du journal satirique Charlie Hebdo.
Après les militaires tombés à Montauban et les élèves de l’école juive de Toulouse, massacrés en 2012, d’autres attaques terroristes ont encore tué en novembre 2015, au Bataclan, au Stade de France, à l’Hyper Cacher, sur les terrasses, puis à Nice en 2016, à Trèbes, à Saint-Étienne-du-Rouvray, à Marseille, à la préfecture de Paris et, la semaine dernière, de nouveau, à Villejuif.
Je tiens à rendre hommage solennellement à toutes les victimes de ces actes inqualifiables.
Ces coups de boutoir ont ébranlé notre République, mais n’ont jamais fait vaciller ses fondements humanistes et universalistes. Leur objectif était de tenter d’abattre notre socle républicain, notre arbre de la liberté, dont les ramures sont la liberté de penser, la liberté d’expression, celle de critiquer les religions, de s’amuser en célébrant le sport, la chanson ou la fête nationale, de croire ou de ne pas croire, la liberté de conscience. Ce sont bien elles qui ont été visées il y a cinq ans.
Avec les membres de mon groupe, je ne veux retenir de cette période sombre que les jours qui ont suivi la stupéfaction : plus de 4 millions de nos compatriotes sont descendus dans la rue, le 11 janvier 2015, pour exprimer leur solidarité, se serrer les coudes face à l’adversité et rendre un hommage poignant, encore aujourd’hui dans notre mémoire collective, à toutes les victimes, aux intellectuels idéalistes qui se battent pour faire vivre nos principes républicains au prix de leur vie, mais aussi aux forces de l’ordre, en première ligne pour apporter secours aux victimes et traquer les assassins qui ont tué au nom de l’obscurantisme et du terrorisme islamiste.
Je me souviens aussi de la solidarité internationale, notre République accueillant les chefs d’État du monde entier, venus épauler nos concitoyens.
Je me souviens encore de la statue de la République, dressée sur la place du même nom, devenue un promontoire bigarré, tagué, éclairé par les bougies et les messages des anonymes venus durant des jours, des semaines, des mois communier avec force slogans et ex-voto : « Je suis Charlie » ; « Nous sommes Charlie » ; « Même pas peur ! » ; « Vous n’aurez pas notre haine » ; « Charliberté » ; « Mourir pour un dessin » ; « C’est l’encre qui doit couler, pas le sang » ; « La liberté de la presse n’a pas de prix ! »
Je me souviens des paroles prononcées par Charb, en 2012, à l’occasion de la cérémonie du prix national de la Laïcité, qu’il me remettait à l’hôtel de ville de Paris, comme une prémonition : « Je préfère mourir debout que vivre à genoux. » Aujourd’hui, nous le savons, la liberté a un prix, celui du sang.
Le 09/02/2020 à 10:55, aristide a dit :
Et maintenant l'affaire Mila... le problème est celui du blasphème. La laïcité est-elle blasphématoire? Si l'on considère avec le dictionnaire que le blasphème est soit l'offense soit l'insulte à la religion, on ne peut pas dire que la laïcité soit insultante. En revanche elle peut être offensante dans le sens où elle refuse l'espace public à l'islam, alors que l'islam considère que l'espace public est sien. Il y a donc une conception blasphématoire de la laïcité qui est indéniable, surtout dans le cas de l'islam, car le christianisme, lui, ne considère pas l'espace public temporel comme faisant nécessairement partie de sa mission.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui