Intervention de Christophe Castaner

Réunion du 8 janvier 2020 à 15h00
La laïcité garante de l'unité nationale — Débat organisé à la demande du groupe du rassemblement démocratique et social européen

Christophe Castaner  :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, au cœur de notre pacte républicain, il est une valeur fondamentale à laquelle, je le sais, cette institution et le groupe du RDSE sont particulièrement attachés, une valeur fondamentale avec laquelle le Gouvernement ne transigera pas, c’est la laïcité.

Sans entrer dans le débat philosophique, et en écho à vos propos, madame la sénatrice Laborde, il est important de rappeler que la laïcité est un principe essentiel, déterminant qui s’applique à l’État, et non pas à la société des individus qui la composent. Comme vous, je ne fais pas de lien entre terrorisme et laïcité. Le terrorisme n’est pas l’échec de la laïcité. Il importe de bien le préciser.

La laïcité, c’est un principe d’organisation de la relation entre l’État et les citoyens. Il ne s’agit pas d’une règle qui s’applique et qui s’imposerait à chacun de nos concitoyens. Elle n’a pas été construite comme cela, mais j’y reviendrai.

La laïcité est au croisement de différents principes. Elle est cet équilibre entre libertés individuelles, respect de l’ordre public et neutralité de l’État et des services publics. C’est cet équilibre qui est structuré autour de la laïcité et qui est parfois attaqué.

La laïcité est donc avant tout une garantie : la garantie de la séparation stricte des cultes et de l’État. C’est la garantie qu’aucune religion, quelle qu’elle soit, ne sera privilégiée, favorisée ou, au contraire, mise en cause ou stigmatisée.

La laïcité, c’est également une liberté : la liberté de croire ou de ne pas croire, sans risque d’être inquiété ; la liberté de vivre sa foi ou son absence de foi, sans crainte d’être menacé de représailles.

La laïcité, enfin, c’est le respect : le respect absolument essentiel, par chaque culte, des lois de la République ; le respect aussi, par la République, de chaque religion, pourvu qu’elle accepte ses principes.

Alors, oui, la laïcité est un principe essentiel pour notre République ! C’est un fondement reconnu dès l’article 1er de notre Constitution, un fondement que nous ferons tout pour préserver et garantir, dans une société complexe où certains souhaiteraient l’instrumentaliser à des fins étrangères au bien commun.

Ce débat, j’en suis convaincu, est un donc un moment utile, salutaire. Il participe de cette volonté d’apaisement et nous permet d’affirmer les choses, de rappeler quelques principes essentiels pour l’unité nationale.

Je veux affirmer devant vous qu’en matière de laïcité nous n’avons qu’un seul programme : la loi de 1905.

La loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État est une loi d’équilibre, qui a été réfléchie, débattue, qui place avant toute chose la liberté de conscience et la garantit. Cette loi peut évoluer, bien sûr, et elle a évolué au fil du temps, des évolutions de la société et des défis qu’elle rencontrait. Néanmoins, si la loi peut être conduite à évoluer, son esprit doit demeurer, lui, invariable : la séparation stricte des cultes et de l’État et la protection de la liberté de conscience de toutes et tous. Toute modification ne doit viser qu’un seul but : la renforcer.

La liberté de conscience et la liberté de culte doivent se soumettre à un cadre clair : les lois de la République. La Constitution, le bloc de constitutionnalité et nos lois sont essentiels pour notre démocratie. Ils garantissent la liberté, l’égalité, la fraternité. Ils découlent de notre histoire et des choix démocratiques de nos concitoyens.

Ainsi, ces textes sont le cadre large, mais protecteur dans lequel nous évoluons. Cela signifie que toute idéologie, tout culte, toute religion doit d’abord s’inscrire dans ce cadre, respecter nos lois et nos valeurs. C’est un préalable nécessaire et non négociable.

Le Gouvernement demeurera évidemment déterminé à faire primer une interprétation respectueuse de notre héritage, d’une laïcité qui se passe d’épithète ou d’attribut, d’une laïcité qui suscite l’harmonie, de sorte que chaque croyant, chaque non-croyant et tous ceux qui se questionnent puissent la vivre librement.

La laïcité à la carte n’existe pas. La République est un tout et chacun doit l’accepter comme tel.

Aussi, nous devons être fermes, très fermes face à ceux qui veulent s’affranchir de nos lois et de nos valeurs, face à ceux qui placent des principes religieux au-dessus des lois de la République. Ceux-là veulent nous combattre, nous diviser. Ils veulent créer de la défiance et des antagonismes. Ils veulent briser les libertés et endoctriner les esprits. Nous ne pouvons pas le tolérer et nous devons les combattre de toutes nos forces.

Opposer le principe de laïcité aux adversaires de la République ne suffit toutefois pas. Si nous nous contentions de cela, elle ne serait au fond qu’une feuille de papier qu’une flamme pourrait emporter, et certains n’hésiteraient pas à vouloir l’enflammer. Nous devons la défendre face aux attaques de nos ennemis et le faire avec force et vigueur, sans angélisme.

À la fin du mois de novembre, j’ai réuni à Paris, en présence de plusieurs ministres, tous les préfets. J’ai réaffirmé devant eux la nécessité que la République soit respectée sur chaque mètre carré de notre territoire et qu’aucune entorse à ses principes et ses valeurs ne soit tolérée. Je leur ai demandé, une circulaire venant compléter cette demande, que la lutte contre l’islamisme et le repli communautaire se place au sommet de leurs priorités.

Je crois que cette demande fera date. Je crois qu’elle est d’importance. Elle nous permet d’envoyer un message très clair à ceux qui croient pouvoir nous atteindre. Le communautarisme, l’islamisme ne sont pas négociables avec la République. Nous devons assumer cette position. Certains voudraient nous enfermer dans un débat pour nous empêcher d’oser dire un certain nombre de choses. Or accepter que chaque critique de certains comportements non conformes aux valeurs de la République soit taxée d’islamophobie, nous empêchant par là même de les dénoncer, serait une faute.

Vous le savez, nous avons placé la reconquête républicaine au cœur de notre action. En 2018, le Gouvernement a identifié quinze quartiers particulièrement exposés à l’islamisme et au risque de communautarisme et y a mené une action résolue pour mettre un terme aux agissements de ceux qui défiaient la République. Cela a commencé à porter ses fruits. En un peu moins de deux ans, nous avons pu fermer cent trente-huit débits de boisson, treize lieux de culte, quatre écoles et onze établissements culturels. Tous s’étaient changés en officine de haine, et nous sommes parvenus à les arrêter.

Nous avons également frappé au porte-monnaie de nombreux établissements qui servaient de devanture aux contempteurs de la République. Contrôle après contrôle, nous avons pu redresser les établissements visés pour plus de 17 millions d’euros.

Cette méthode a permis d’atteindre des résultats. Nous avons donc décidé de la généraliser, et j’ai demandé aux préfets une application extrêmement stricte de nos lois. Je leur ai demandé aussi de faire travailler les acteurs ensemble sur le terrain. En effet, le volet répressif seul ne peut suffire. Il faut reconstruire partout la présence républicaine. C’est pourquoi nous devons mener simultanément une politique ambitieuse pour l’éducation, pour la ville, pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’ai enfin demandé aux préfets un discours républicain assumé et intransigeant. Cela s’applique à tous les responsables de l’État. C’est un précepte que nous pouvons nous appliquer, à nous aussi, responsables politiques, qui avons le devoir de montrer l’exemple.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat sera l’occasion d’échanger des points de vue et de faire émerger des idées pour affirmer notre laïcité. Je suis impatient que nous puissions l’avoir ensemble, et je peux vous dire que je l’aborde avec l’esprit de la loi de 1905 chevillé au corps et avec les valeurs de notre République comme seule boussole. C’est ma doctrine. C’est aussi celle de tout le Gouvernement, et nous devons la mettre en œuvre de façon inlassable, partout et à tout moment.

7 commentaires :

Le 09/02/2020 à 13:43, aristide a dit :

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"La laïcité à la carte n’existe pas."

Menu avec ou sans porc à la cantine publique et laïque de la République ?

Demander la pratique cultuelle d'un enfant, c'est demander sa religion, et demander la religion de quelqu'un, c'est un affront fait à la laïcité.

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Le 09/02/2020 à 13:50, aristide a dit :

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"La laïcité, c’est également une liberté : la liberté de croire ou de ne pas croire, sans risque d’être inquiété ; la liberté de vivre sa foi ou son absence de foi, sans crainte d’être menacé de représailles."

Mila appréciera...

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Le 09/02/2020 à 13:55, aristide a dit :

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"Le terrorisme n’est pas l’échec de la laïcité. Il importe de bien le préciser."

"

C'est vrai que les terroristes agissent dans des pays qui méprisent réellement la la laïcité, comme l'Angleterre ou l'Allemagne, qui font passer la religion au-dessus des lois, ça n'empêche pas les terroristes de frapper.

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Le 09/02/2020 à 14:09, aristide a dit :

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"face à ceux qui placent des principes religieux au-dessus des lois de la République"

Il est interdit de manger du cochon dans certaines religions, j'espère que la République va accéder à cette demande religieuse contre la loi de la laïcité, qui impose de ne pas faire de distinction religieuse parmi les citoyens pour leur octroyer une commodité. Pareil pour la circoncision...

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Le 09/02/2020 à 14:12, aristide a dit :

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"J’ai enfin demandé aux préfets un discours républicain assumé et intransigeant."

Pfff, le discours de la République officielle en la matière est inaudible et incompréhensible, truffé de contradictions, sans conséquence en faveur de la laïcité sur le terrain

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Le 09/02/2020 à 14:15, aristide a dit :

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"Certains voudraient nous enfermer dans un débat pour nous empêcher d’oser dire un certain nombre de choses."

Si vous ne savez pas vous servir d'un débat pour dire ce que vous avez envie de dire, cela ne sert à rien de savoir parler. Dites plutôt que vous n'avez pas envie de vous exprimer réellement.

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Le 09/02/2020 à 14:23, aristide a dit :

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Un débat entre oligarques, c'est toujours intéressant, et surtout c'est sans risque pour eux. En revanche le petit peuple, lui, il peut dire ce qu'il veut, le pouvoir oligarchique et imbu de sa personne n'en a strictement rien à faire ce qui n'arrange pas les choses de la laïcité. Si la laïcité c'est l'équivalent du mensonge du pouvoir en place, il y aura toujours et encore plus de problème avec la laïcité.

Si la jeune Mila s'est laissée aller au blasphème contre l'islam, c'est parce que le pouvoir politique nie le peuple, il impose sa pensée toute faite et fausse aux citoyens, qui finissent à la longue par se révolter brutalement face à tant d'incompétence et de lâcheté.

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