J'espère que vous pourrez, en nouvelle lecture, bouger un peu. Ne vous méprenez pas : nous ne voulons pas de rendez-vous manqué - le sujet est très grave et important. Mais en voulant être efficace sur les sujets nouveaux, comme la lutte contre le terrorisme, il arrive qu'on mette en danger l'État de droit et la démocratie : c'est à chaque fois un exercice périlleux.
La question à laquelle vous ne répondez pas, et qui nous interpelle, c'est celle du rapport de force avec ces plateformes si peu regardantes sur les valeurs et la morale, mais aussi sur le droit d'auteur. Nous avons voté récemment, à l'unanimité, ma proposition de loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, qui permet de rémunérer les éditeurs et les agences de presse.
La souveraineté des États est menacée par ces plateformes, et vous leur donnez un pouvoir régalien, celui d'exercer la censure, en prétendant les responsabiliser. Vous donnez à ces plateformes l'obligation, donc le pouvoir, d'intervenir beaucoup plus largement qu'elles ne le font déjà aujourd'hui. Leur filet de censure va devenir beaucoup plus large, et nous ne connaissons pas leurs algorithmes. À l'heure où je vous parle, je ne sais pas pourquoi ma page personnelle Facebook a été suspendue depuis une semaine, mon dernier post ayant été pour me féliciter de la libération d'un jeune ami algérien. Un tableau de Delacroix où un sein apparaît peut donner - et même a donné - lieu à suspension. Si 2 000 personnes vont sur Twitter dire que j'ai insulté telle ou telle communauté, la prudence pour la plateforme sera de supprimer mon post. En matière d'appréciation subjective, il vaut mieux que ce soit un juge qui décide.
Il est dommage que vous balayiez d'un revers de main le compromis proposé par Mme Marie-Pierre de la Gontrie pour faire intervenir le juge. Le retrait est provisoire, mais il y a retrait, donc immédiateté de la riposte, sans automaticité : notre amendement prévoyait que, en cas de contestation du retrait, c'est le juge qui prend la décision. Même symboliquement, on donne la main au juge, qui prononce la sanction. Les représentants des avocats, attentifs aux droits, le demandaient. J'espère que des consensus pourront naître. Lorsqu'il s'agit des libertés, nous devons être unis.