Intervention de Julien Fosse

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 12 décembre 2019 à 9h05
Audition de M. Gilles de Margerie commissaire général de france stratégie et de M. Julien Fosse chef de projet auprès du département « développement durable et numérique » dans le cadre du rapport « se nourrir en 2050 »

Julien Fosse, chef de projet auprès du département « Développement durable et numérique » :

Agroécologie n'est pas synonyme d'éviction de la machinisation ou du progrès technique en général. Par exemple, l'utilisation de drones permet de gérer de façon plus fine l'utilisation des intrants. Les agriculteurs ne vont bien entendu pas revenir à la binette !

Nous avons effectué une étude assez fouillée de l'impact sur la structure des coûts et sur le bénéfice du passage à l'agroécologie à l'échelle de l'exploitation. Il se produit une diminution légère des rendements, une diminution forte des intrants, avec en définitive une hausse du bénéfice dans un bon nombre de cas - et ce sans intégrer les aides de la PAC. Si, de surcroît, cette dernière évolue dans le sens d'une réorientation des aides pour soutenir la transition agroécologique, les agriculteurs ont toutes les chances d'être gagnants dans ce processus.

Vous avez évoqué la contradiction possible entre une transition agroécologique se traduisant par une baisse des rendements et l'objectif de nourrir une population en croissance. En ce qui concerne la France, nous sommes en situation de surproduction et de surconsommation alimentaire par rapport aux besoins nutritionnels. Si on tient compte de surcroît des gaspillages alimentaires, qui représentent de l'ordre de 30 % de ce qui est produit, on voit bien que l'hypothèse d'un rationnement de la demande par manque de production n'est pas réaliste. Au passage, je souligne que ces seuls gaspillages représentent plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, de sorte que les réduire permettrait à la fois d'absorber l'impact sur les prix alimentaires du tassement des rendements lié à la transition vers l'agroécologie tout en accomplissement une partie non négligeable des objectifs nationaux de réduction des émissions.

Dans tous les exercices de prospective sur l'alimentation, on intègre une réflexion sur la transformation du contenu des assiettes, avec un rééquilibrage entre les apports de protéines animales et végétales. Cela implique un accompagnement du développement des protéines végétales, notamment des légumineuses.

La question de la compétitivité est essentielle. Si le niveau d'exigence de l'Union européenne par rapport à certaines normes environnementales n'est pas le même pour les pays tiers et pour les États membres, cela entraîne des distorsions de concurrence massives. La réorientation des aides de la PAC dans le sens que j'évoquais précédemment peut contribuer à répondre à cette question.

S'agissant de la question de l'impact de la transition agroécologique sur le coût de l'alimentation pour les consommateurs, plusieurs études convergentes montrent que, même s'il se produit une hausse de la part des produits issus de l'agroécologie, plus chers à produire, cela n'entraîne pas nécessairement une alimentation plus chère si on raisonne à l'échelle du régime alimentaire dans sa globalité et non pas produit par produit. La maîtrise du coût de l'alimentation est en effet possible si les consommateurs modifient leur régime alimentaire et réduisent les surcoûts liés au gaspillage.

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