Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 15 janvier 2020 à 15h00
Réforme du régime des catastrophes naturelles — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, lesquelles seront, à n’en pas douter, l’un des principaux défis liés au climat de la décennie qui s’ouvre.

Cette proposition de loi fait suite aux travaux de la mission d’information, à laquelle j’ai participé, qui a rendu ses conclusions en juillet dernier. Elle compte cinq articles issus des propositions de la mission.

La commission des finances a délégué au fond les articles 4 et 5 à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et elle s’est concentrée sur les dispositions budgétaires, fiscales et du code des assurances, qui relèvent pleinement de sa compétence.

Je tiens, pour commencer, à saluer le travail de grande qualité effectué par la mission d’information sous l’autorité de son président, Michel Vaspart, et de sa rapporteure, Nicole Bonnefoy, dont le rapport a parfaitement mis en exergue les immenses difficultés rencontrées par les sinistrés.

De la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à l’indemnisation en passant par la prévention des risques climatiques, les sinistrés sont souvent confrontés à un véritable parcours du combattant. Comme nous l’ont encore rappelé les récentes inondations dans le Var et les Alpes-Maritimes, lorsqu’une catastrophe naturelle dévaste une résidence principale, ce sont, dans bien des cas, les économies de toute une vie qui disparaissent ; la dimension affective de la catastrophe n’est pas négligeable : elle laisse les victimes abattues et souvent démunies.

Ainsi, les objectifs des auteurs de cette proposition de loi sont louables et, surtout, fondés, en ce sens qu’ils visent à assurer une indemnisation juste, à la hauteur du préjudice subi, et à mieux mobiliser les dépenses affectées à la prévention des risques naturels.

En tant que rapporteur, j’ai souhaité examiner ces dispositions avec une triple exigence. Correspondent-elles à un réel besoin pour les sinistrés ? Sont-elles opérationnelles, tant pour les sinistrés que pour les assureurs et les pouvoirs publics ? Enfin, leur efficacité est-elle à la hauteur de leur coût pour les finances publiques ?

L’article 1er de la proposition de loi tend à déplafonner le montant des recettes affectées au fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Rappelons que la loi de finances pour 2018 a plafonné l’affectation au fonds du prélèvement de 12 % sur les primes « catastrophes naturelles » payées par les assurés à 137 millions d’euros par an.

Le souhait des auteurs de la proposition de loi d’augmenter les recettes du fonds me paraît justifié, car la question de sa soutenabilité se fait jour : sa trésorerie diminuerait de moitié en 2020 par rapport à la fin de 2018.

Pour autant, je considère qu’un déplafonnement pur et simple des recettes qui lui sont affectées n’est pas souhaitable. D’abord, ce déplafonnement relève du domaine exclusif de la loi de finances, car il s’agit d’une disposition affectant le budget général de l’État. Ensuite, compte tenu de la variabilité des dépenses du fonds, il pourrait également conduire à l’accumulation d’une trésorerie, dont résulterait in fine un prélèvement par l’État, comme cela a déjà été le cas par le passé.

Je proposerai donc de fixer un nouveau plafond de recettes pour le fonds Barnier à 200 millions d’euros, soit un niveau de dépenses supérieur à celui qui a été observé jusqu’à présent, la moyenne sur les trois derniers exercices s’établissant à 185 millions d’euros.

L’article 1er tend également à inscrire dans la loi les missions du conseil de gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs et à élargir sa composition. Il en renforce les pouvoirs, en lui confiant la détermination d’un objectif pluriannuel pour les dépenses du fonds.

Tout en partageant les intentions des auteurs s’agissant du pilotage stratégique du fonds, je me dois de rappeler que la définition des missions de ce conseil relève non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire. Les dispositions proposées sont donc contraires à l’article 41 de la Constitution. D’ailleurs, le décret du 18 décembre 2019 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif a procédé à la fusion du conseil de gestion avec le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, afin de clarifier la gouvernance du fonds.

La fixation d’un objectif pluriannuel de dépenses, quant à elle, ne me paraît pas souhaitable, dès lors que ces dépenses sont difficiles à prévoir plusieurs années à l’avance. À mes yeux, la détermination d’objectifs chiffrés pluriannuels sans prise en compte des besoins, évalués au fur et à mesure, au plus près des territoires, n’est pas à même d’améliorer la performance du fonds.

S’agissant de l’article 2, son objectif est de garantir une meilleure indemnisation des assurés à la suite de catastrophes naturelles. Si la commission des finances partage cette ambition, plusieurs réserves substantielles ont été soulevées lors de l’examen du texte la semaine dernière. J’ai travaillé – et même bien travaillé – avec la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, Nelly Tocqueville, afin de trouver des compromis.

Par conséquent, nous allons vous présenter des amendements identiques visant plusieurs objectifs.

Premier objectif, la restriction de l’allongement du délai de prescription de deux ans à cinq ans aux seuls cas de sécheresse.

La volonté d’allonger ce délai ne nous a semblé justifiée que pour l’indemnisation des dommages liés aux épisodes de sécheresse, pour lesquels, en effet, les dégâts causés mettent parfois plusieurs années à se manifester et à être bien expertisés. Dans les autres cas de catastrophes naturelles, il me semble au contraire qu’un délai relativement court encourage une résilience rapide des territoires concernés.

Deuxième objectif, une rédaction alternative à la disposition selon laquelle l’indemnisation reçue doit « garantir une réparation pérenne et durable, de nature à permettre un arrêt complet et total des désordres existants ».

Je proposerai plutôt d’insister sur le fait que les réparations effectuées doivent être proportionnées aux dommages et tenir compte des meilleures techniques existantes. Les sinistrés ne doivent pas subir de « double peine » : être victimes d’une catastrophe naturelle, puis faire face à des réparations insatisfaisantes, car hâtivement réalisées.

Troisième objectif, la précision des modalités d’intégration des frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie CatNat. Cette précision répond à une réelle demande des sinistrés.

Enfin, l’article 3 vise à créer un crédit d’impôt au titre des dépenses supportées pour la prévention des aléas climatiques.

Ce crédit d’impôt s’élèverait à 50 % du montant de ces dépenses. Tout à fait normalement, la détermination des conditions d’éligibilité est renvoyée à un décret.

Si je comprends l’intention des auteurs d’inciter les propriétaires à réaliser des travaux renforçant la résilience du bâti face aux effets des catastrophes naturelles, et donc de diminuer le reste à charge des particuliers en cas de survenue d’une telle catastrophe, le crédit d’impôt tel qu’il est proposé serait très coûteux pour le budget général de l’État. Son taux apparaît en effet particulièrement élevé, alors même que ces travaux sont bien souvent très onéreux.

Je proposerai donc un amendement visant à le plafonner, afin d’en limiter l’impact budgétaire.

Mes chers collègues, je souhaite que cette proposition de loi soit adoptée par le Sénat, en y intégrant, bien entendu, les propositions d’amélioration faites par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Celles-ci nous permettront de proposer – c’est en tout cas ce que j’espère – un texte équilibré, dont l’impact sur les finances publiques restera maîtrisé.

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