Intervention de Jean-Pierre Decool

Réunion du 15 janvier 2020 à 15h00
Réforme du régime des catastrophes naturelles — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je crois que nous avons ici un cas d’école de la qualité du travail parlementaire : une bonne proposition de loi, tirée des conclusions d’un rapport d’information fouillé et précis, une réflexion menée en bonne intelligence entre deux commissions pour amender substantiellement le texte, et ce sans le dénaturer.

Surtout, le texte que nous examinons aujourd’hui articule bien la réflexion globale sur le dérèglement climatique, d’une part, et l’action locale dans l’intérêt des territoires, d’autre part. C’est à l’honneur de notre assemblée. Le crédit en revient aux auteurs de la proposition de loi.

Nous travaillons là, de façon concrète et opérationnelle, dans la bonne direction. En un mot comme en cent, le Sénat est aujourd’hui parfaitement dans son rôle, et je tenais à le saluer.

C’est un fait avéré, le dérèglement climatique est à l’œuvre partout. Notre maison brûle. Cette réalité est désormais visible, sur les réseaux sociaux comme dans la vie réelle.

Nous avons tous entendu la petite musique qui sonnait à nos oreilles ces dernières années. Elle nous avertissait des catastrophes à venir. Nous y avons tous prêté plus ou moins d’attention. Les plus engagés d’entre nous ont même déjà modifié leurs comportements individuels. Mais, jusqu’à très récemment, les discours sur le dérèglement climatique se conjuguaient au futur. Nous devons désormais les conjuguer au présent.

Californie, Amazonie, Australie, autant de noms exotiques qui rimaient hier encore avec soleil et chaleur. Ils riment aujourd’hui avec incendies. Les évoquer doit nous obliger à considérer que nul endroit sur la Terre ne sera épargné par le dérèglement climatique. L’erreur consisterait à penser que notre pays n’en souffrira pas. Notre groupe avait d’ailleurs demandé au Gouvernement, en mai dernier, des précisions concernant les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et du déclenchement du dispositif CatNat.

À la vérité, nos territoires sont déjà affectés par le changement climatique et ses conséquences – nous le savons tous ici, nous qui sommes les porte-voix des élus locaux. C’est le cas des Hauts-de-France, qui ont connu ces dernières années des épisodes répétés de sécheresse aux conséquences dramatiques. On pourrait multiplier à l’envi les exemples, chacun de nous en connaît dans son propre territoire.

Cela n’a pas échappé aux assureurs qui ont adapté leurs pratiques en conséquence. Pour eux, l’équation est simple : la couverture du risque se fonde sur le produit d’une probabilité et de l’évaluation de dégâts potentiels. Lorsque la probabilité des épisodes climatiques augmente en même temps que l’ampleur des dégâts potentiels – en clair, lorsque les catastrophes naturelles deviennent à la fois plus fréquentes et plus puissantes –, la couverture du risque augmente aussi. Nul besoin de bien connaître la mathématique pour le comprendre !

Assurer un monde climatiquement déréglé est donc plus onéreux. Et ce coût ne peut être supporté que par la collectivité, puisque le climat est aveugle : il frappe les collectivités humaines au hasard, et non à proportion des gaz à effet de serre qu’elles émettent. C’est notre fardeau à tous ; il nous oblige à la solidarité.

Telle est la raison d’être du fonds de prévention des risques naturels majeurs, plus connu sous le nom de fonds Barnier. Son clairvoyant instigateur avait déjà compris la nécessité de mutualiser les moyens d’action. Les ressources de ce fonds sont dynamiques, parce qu’assises sur les dépenses assurantielles. Et puisque, dans le même temps, les dépenses liées aux catastrophes naturelles augmentent aussi, c’est le budget dans sa globalité qui enfle.

Je partage donc la volonté des auteurs de la proposition de loi de déplafonner les ressources de ce fonds. Rappelons qu’elles sont in fine payées par les assurés, et donc les contribuables. Elles n’ont pas vocation à combler les déficits de l’État et pallier l’incurie budgétaire. Il faut donc augmenter les ressources de ce fonds, d’une part, et réduire les dépenses publiques, d’autre part. Dette climatique, dette publique, même combat !

Je m’en remets à la sagesse de la commission des finances pour déterminer le meilleur moyen de procéder à ce déplafonnement. Il nous faudra notamment composer avec le « corsetage » budgétaire qui bride trop souvent le travail et les initiatives parlementaires.

Il en va de même concernant le crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques. L’idée est assurément bonne. Il faut désormais s’assurer que le mécanisme retenu sera suffisamment attractif et opérant pour que les particuliers s’en emparent sur l’ensemble du territoire.

Pour conclure, mes chers collègues, je saluerai enfin la place que le texte accorde aux élus locaux en tant qu’acteurs incontournables d’une politique ambitieuse de prévention des risques climatiques.

Les mesures d’accompagnement prévues par le texte répondent utilement aux attentes du terrain. Bien souvent, les élus locaux se retrouvent désemparés face à des catastrophes naturelles, et l’État ne répond pas toujours présent, ou pas assez vite. Or ce sont bien les élus locaux qui connaissent nos territoires dans toutes leurs particularités. Ils sont les mieux à même d’apporter au plus vite les réponses adaptées aux réalités du terrain.

Vous l’aurez compris, le groupe Les Indépendants accueille très favorablement cette proposition de loi ainsi que les amendements soumis par les commissions.

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