Intervention de Frédéric Marchand

Réunion du 15 janvier 2020 à 15h00
Réforme du régime des catastrophes naturelles — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Frédéric MarchandFrédéric Marchand :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui d’un sujet que nos collègues Nicole Bonnefoy et Michel Vaspart connaissent bien, cette proposition de loi reprenant nombre de pistes avancées par la mission d’information sur la gestion des risques climatiques et le rapport qui s’en est ensuivi, adopté à l’unanimité par notre assemblée.

Je ne peux évidemment que saluer, comme mes collègues l’ont fait, le sérieux et le travail de cette mission d’information, travail qui s’est prolongé jusqu’à cette proposition de loi. J’y associe la commission des finances qui a apporté une expertise complémentaire.

Au terme des travaux de la mission d’information, il est apparu urgent de changer la politique publique relative aux catastrophes naturelles sur deux axes.

La priorité est le renforcement de la politique de prévention, puisque, et cela a été rappelé, 1 euro investi dans la prévision permet d’économiser 7 euros d’indemnisation. Au sein de la politique de prévention, le fonds Barnier aurait un rôle beaucoup plus important qu’aujourd’hui.

Par ailleurs, le rapport de la mission d’information conclut sur la nécessité de réformer le régime des catastrophes naturelles. Tel qu’il ressort des travaux de la mission, ce régime apparaît inadapté, d’une part, en raison de l’utilisation de critères et seuils techniques inintelligibles et instables, et, d’autre part, en ce que le processus d’indemnisation en faveur des sinistrés est perçu comme un « parcours du combattant ». De nombreux particuliers signalent des difficultés avec les assureurs lors de la phase d’indemnisation, notamment en matière de délais de déclaration des sinistres ou d’évaluation des dommages par les experts d’assurance.

La proposition de loi retient plusieurs axes évoqués dans le rapport de la mission d’information : la réforme du fonctionnement du fonds de prévention des risques naturels majeurs, le fonds Barnier, le renforcement des droits des assurés et du montant des indemnisations dont ils bénéficient, la création d’un crédit d’impôt pour la prévention des aléas climatiques, le passage au niveau législatif de l’existence de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur le caractère de catastrophe naturelle, et enfin, la création, dans chaque département, d’une cellule de soutien aux maires confrontés à une catastrophe naturelle.

On ne peut que souscrire à ces propositions dans leurs objectifs.

L’article 1er prévoit de réformer le fonctionnement du fonds Barnier et, notamment, d’améliorer la stratégie de prévention des risques au sein dudit fonds.

Les chiffres étayés par notre collègue Jean-François Husson insistent sur la nécessité d’augmenter les plafonds de ressources de ce fonds. Nous entendons cet argumentaire, qui s’inscrit dans une démarche pragmatique et de bon sens, tout comme nous pourrions aussi entendre celui qui incite au déplafonnement du fonds par souci de justice et d’efficacité. Cela étant, il me semble que c’est toute la doctrine du fonds Barnier que nous devrions revisiter au vu des enjeux climatiques auxquels nous sommes confrontés.

De même, je crois que nous devons faire attention aux fausses bonnes idées quant à la composition du conseil de gestion. La prise de décision doit être efficace, sans se perdre dans des jeux d’intérêts complexes ; je soutiens à ce titre une instance de pilotage resserrée. Compte tenu des enjeux, nous devrions donner au conseil de gestion les moyens de son efficacité.

Concernant l’article 2 relatif aux droits des assurés, je souligne, comme l’a fait la commission des finances, que le délai de prescription actuel de deux ans en cas de catastrophe naturelle encourage la mise en œuvre rapide des travaux de réparation et qu’il ne pose à l’heure actuelle aucune difficulté pratique.

Sur un autre point de l’article concernant l’intégration des frais de relogement d’urgence dans le périmètre de la garantie CatNat, il est vrai qu’il s’agit d’une demande forte des sinistrés, car la prise en charge du relogement est facultative et effectuée selon des modalités variables d’un assureur à l’autre.

Il est aussi vrai que la question du relogement est plus temporelle et moins liée à urgence : le relogement s’inscrit sur un moyen terme, le temps de la remise en état, ce qui peut sembler contradictoire avec les termes de l’article 2 de la proposition de loi qui visent le relogement d’urgence.

Sur la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, je souscris aux dispositions de l’article 4 qui prévoient de rendre publics les rapports d’expertise utilisés par la commission interministérielle. Tout ce qui participe de la transparence de la décision publique représente en effet une avancée.

Concernant les modalités de travail de cette commission, il faut éviter de rendre obligatoire sa consultation. Dans certaines situations, le caractère anormal du phénomène est malheureusement devenu évident.

Enfin, l’article 5 prévoit une cellule de soutien aux maires. Cet outil me semblerait utile, évidemment à condition qu’il soit coordonné avec les services de l’État.

Cette proposition de loi rappelle que, dans tous les cas, ce sont les maires qui sont en première ligne et qui fournissent la première réponse lorsqu’une catastrophe naturelle touche notre pays.

Le texte, nous le savons, pourra être amélioré durant la navette parlementaire, certains points relevant par exemple du domaine réglementaire plutôt que de la loi.

Nous sommes – pour beaucoup d’entre nous – malheureusement, et toujours en appui aux maires, confrontés dans nos territoires à ces situations qui nécessitent la mise en œuvre du régime d’indemnisation. Je pense notamment à nos collègues des départements touchés régulièrement par les inondations.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte bien différent de celui de 1982, à une époque où les risques climatiques étaient sans doute moins nombreux aussi : l’augmentation du nombre de phénomènes climatiques extrêmes et l’artificialisation des sols sont aujourd’hui responsables de bien des situations.

Un quart des Français sont exposés à un risque d’inondation. La sécheresse ou ses conséquences touchent la quasi-totalité de notre territoire, et les risques de submersions marines ou d’érosion du trait de côte augmentent de façon considérable en métropole, mais aussi dans les territoires ultramarins.

Les difficultés sont parfois importantes pour gérer certains cas d’indemnisation comme en témoigne l’exemple de l’immeuble « Le Signal » à Soulac-sur-Mer, et je rappelle à ce titre l’amendement de notre collègue Françoise Cartron adopté l’an dernier.

C’est pourquoi des réponses pragmatiques doivent s’inscrire dans un ensemble de politiques publiques pour réaliser l’adaptation de notre pays aux évolutions climatiques. Il importe donc de prendre du temps et de poursuivre le travail en ce sens pour aboutir au dispositif le plus opérationnel possible.

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