Intervention de Annie Guillemot

Commission des affaires économiques — Réunion du 15 janvier 2020 à 9h40
Politique de la ville — Audition de M. Jean-Louis Borloo ancien ministre

Photo de Annie GuillemotAnnie Guillemot :

Je salue ce rapport, comme nous l'avions fait, très chaleureusement, avec l'AMF, France urbaine et Villes & banlieues, car vous aviez été à l'écoute, y compris des associations de quartier. Je me souviens encore des nouilles qui se séparaient du gratin ! Il est malheureux que ce rapport n'ait pas été suffisamment pris en compte, comme je l'ai indiqué dans mon rapport budgétaire. Vous l'aviez intitulé « Vivre ensemble, vivre en grand : pour une réconciliation nationale » ; je note que ce titre, à lui seul, résonne comme une prémonition, alors que les revendications des gilets jaunes et les expressions identitaires apparaissent comme les deux rives d'une même fracture de la société française. Vous aviez déclaré que « si l'on ajoute aux territoires ruraux délaissés certaines villes ou bassins en grave déprise, ce sont plus de 10 millions de compatriotes qui sont éloignés du moteur de la réussite » et que « fermenteront loin des yeux le recroquevillement identitaire et le repli communautaire si trop de nos concitoyens ont le sentiment de ne plus participer au rêve républicain ». Je crois que nous y sommes ! Le grand mérite de ce rapport était d'associer les territoires ruraux et les territoires urbains en difficulté.

Maire de Bron pendant presque vingt ans, je n'oublie pas le souffle apporté par l'ANRU, l'exigence qu'elle a portée et l'efficacité dont elle a fait preuve. Elle a redonné à un certain nombre d'élus et de citoyens de la fierté. Quand on donne quelque chose au quartier, on attend aussi que certains devoirs soient respectés. Quel est votre avis sur les revendications des gilets jaunes ? La politique de la ville a perdu sa philosophie : on ne sait plus qui est le pilote dans l'avion. Et les moyens ne semblent pas à la hauteur des enjeux. On nous annonce 10 milliards d'euros pour l'ANRU. Mais, l'État aurait pu avancer sa propre participation pour aller plus vite.

Les politiques du logement et de la ville sont actuellement contradictoires. Mon rapport pointe une paupérisation dans le logement social, avec une concentration de plus en plus forte de personnes défavorisées. Le fonctionnement des commissions d'attribution conduit à concentrer les gens au même endroit. L'absence de mixité sociale engendre non pas des risques mais des ségrégations. Nous l'avions souligné il y a trois ans, avec Mme Valérie Létard, dans notre mission parlementaire.

Hier, notre préfète à la sécurité a réuni un certain nombre d'associations et de citoyens sur la sécurité dans les quartiers. Une dame a parlé de la précarité sociale et financière des jeunes, mais aussi de leur précarité intellectuelle, qui les prive de la moindre ouverture. Résultat : ils se referment, soit vers les mafieux, soit vers la radicalisation.

Je me bats depuis des années pour l'équité territoriale. Aussi aviez-vous proposé la création d'une Cour d'équité territoriale. Les maires nous disent que c'est de pis en pis...

Au XVIIe siècle, Miron, conseiller du roi Henri IV, le mettait en garde en ces termes : « Il est dangereux, Sire, dans une cité, d'avoir les maigres et les pauvres d'un côté, les riches et les dodus de l'autre. Cela se pourrait, Sire, que des balles vinssent ricocher à votre couronne. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion