Je pose la question solennellement devant le Sénat : comment un dispositif voté à l'unanimité des sénatrices et des sénateurs, voté à l'unanimité des députés, salué par les mamans des quartiers, par les jeunes, par les femmes, par les maires, par les présidents d'agglomération, par la totalité des organismes d'HLM, comment cette décision de la nation française a-t-elle pu s'arrêter sans que personne l'ait jamais décidé ?
Cela mérite, à tout le moins, une enquête démocratique. Il ne s'agit certes pas de chercher des coupables, mais de comprendre comment fonctionne notre pays dans la décision publique. C'est tout de même incroyable ! Et, dans le même temps, on multiplie les débats bidon, de type « urbain contre humain », comme si l'urbain n'était pas de l'humain, comme si tout n'était pas accompagné de zones franches urbaines, d'équipes de réussite éducative...
En un an, on était passé de 0 à 2 milliards d'euros de travaux ; en deux ans, on atteignait 6 milliards d'euros par an, voire 7 milliards d'euros. Cette politique, dans un mensonge généralisé, s'est totalement arrêtée. Elle n'a pas été réduite de 30 % ou divisée par deux ou par quatre, non ! Totalement arrêtée. Je ne veux pas de polémique, ce n'est pas lié à tel ou tel gouvernement. C'est plus grave que ça, c'est le fonctionnement de la décision publique et de l'organisation publique qui est en cause.
Comme c'était mon bébé, je ne m'en suis plus jamais occupé, car je trouve cela malsain. L'ANRU n'était pas une décision de l'État français, mais un bureau de confiance. Tout partait du fait que la dégradation est ruineuse. Les fonds propres que représente un immeuble quand il ne rapporte plus de loyer et que les réparations reviennent quatre fois dans le même mois sont perdus. L'objectif était donc de reconstituer les fonds propres des villes, des quartiers et du monde HLM. C'était un investissement en fonds propres, financé par les bénéficiaires, c'est-à-dire le monde HLM et ce qui ne s'appelait pas encore Action Logement, et par les villes concernées, les départements et l'État - qui n'était qu'un petit contributeur. L'agence était le tiers de confiance, pour qu'on décide tous ensemble, que les grues arrivent le jour prévu, à l'heure prévue, et dans l'immeuble d'à côté aussi. J'ai toujours refusé, d'ailleurs, qu'elle soit présidée par le ministre. Le but était simple : changer la donne.
Ce sont les petits hommes gris, ceux qui s'ennuient à Bercy, où ils sont 130 000, qui ont décidé de transformer ce qui était un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) en un établissement public administratif (EPA). Or un EPIC a la vocation de son objet social et ne fait l'objet que d'un contrôle a posteriori. Un EPA, lui, subit un contrôle a priori : même pour acheter une rame ou un ordinateur, il lui faut l'aval du contrôle budgétaire de Bercy. Comme, dans la logique des élites, c'est de l'argent jeté par la fenêtre - même si ce n'est pas le leur - elles ont voulu être plus intelligentes, solliciter une stratégie à 40 ans, un plan de population 37 ans, d'innombrables réunions de préfiguration - jusqu'à 61 à Marseille ! Pendant ce temps-là, la monarchie promet 10 milliards d'euros - alors que ce n'est pas son argent... Surtout, le sujet était d'avoir un tiers de confiance. Avec une mission de confiance, la France est totalement capable de résoudre ce problème en trois ans.
Je continue à m'interroger : comment une décision prise à l'unanimité, qui donne satisfaction à 90 % des sondés, qui crée de l'emploi, qui est bénéfique même en termes budgétaires - sans parler des problèmes humains, des dérives, de l'exclusion du développement économique, ni des problèmes de radicalisation - a-t-elle été ainsi ignorée ? Ne vous sentez-vous pas un peu bafoués ?