L'outre-mer est l'une des préoccupations particulières de la Cnape. Un nombre important de nos associations adhérentes y sont basées. Nous organisons depuis plusieurs années des assises de la protection de l'enfance outre-mer. Nous sommes extrêmement conscients des problèmes spécifiques de ces territoires en la matière. Des centres éducatifs fermés existent dans presque tous ces territoires ; ils fonctionnent bien et produisent des résultats intéressants. L'outre-mer est également présent dans les réflexions du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE), au travers d'une commission spécifique, animée par la Cnape.
Concernant les centres éducatifs fermés, la plus grande difficulté que nous rencontrons est le recrutement et la formation du personnel. Les CEF associatifs qui adhèrent à la Cnape doivent signer une charte de bonne conduite et de règles de fonctionnement. Nous avons récemment réfléchi à la question de la sanction dans ces centres. Comment peut-on sanctionner sans forcément punir ? Quant à la formation, nous avons décidé de mener un travail commun avec la protection judiciaire de la jeunesse. Il existe plus de CEF associatifs que de centres publics ; il est plus facile de fonctionner avec du personnel privé qu'avec des fonctionnaires dans ce genre d'établissements.
Quant à la question cruciale de l'âge de la responsabilité pénale, il me semble que fixer un âge n'implique pas que l'on cesserait de se poser la question du discernement pour les mineurs plus âgés. Aux termes de la législation actuelle, les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables. Il s'agit simplement, aujourd'hui, de disposer qu'en dessous d'un âge donné la question n'a pas à se poser : la responsabilité est alors irréfragable. Au-dessus de treize ans, le juge aura toujours la faculté de décider du discernement de l'auteur des faits.
Je ne peux pas être d'accord avec la catégorisation consistant à distinguer, parmi les enfants, entre victimes et auteurs. Tous les enfants doivent être protégés, qu'ils aient été victimes ou qu'ils se manifestent par la délinquance. D'ailleurs, beaucoup d'enfants délinquants ont été victimes d'agressions sexuelles. Ce sont les mêmes enfants ! L'emprise dont on a parlé au sujet du consentement de la victime d'agressions sexuelles existe aussi dans le cas des jeunes auteurs d'infractions, même si cela se fait sous une autre forme ; la carence parentale joue aussi souvent un rôle dans les deux cas. Il faut avoir le courage, dans une société qui se dit respectueuse des enfants, de traiter tout mineur en dessous d'un certain âge comme un enfant, c'est-à-dire de ne mettre en place à leur égard que des mesures éducatives. Rappelons enfin que beaucoup d'auteurs d'agressions sexuelles sont des mineurs.
Quant au débat sur le consentement des victimes de viols et d'agressions sexuelles, il faut à mon sens simplement faire de toute relation sexuelle avec un enfant de moins de treize ans - ou quinze, on peut en débattre - un crime. Alors seulement, la question du consentement ne se posera plus. C'est la seule solution qui permet d'éviter les sempiternelles questions du consentement et de la présomption d'innocence.
Malheureusement, la définition du discernement que nous offre la jurisprudence pénale - « avoir agi avec intelligence et volonté » - reste limitée. Il revient vraiment au juge d'avoir, si vous me permettez l'expression, le discernement nécessaire pour dire si un mineur est discernant ou non ! La même question se pose d'ailleurs pour les auditions d'enfants.
Arrêtons de penser que des mesures purement éducatives constitueraient forcément une réponse laxiste ! J'ai entendu des mineurs délinquants me supplier de les envoyer en prison, plutôt que de les embêter avec des éducateurs. Pour eux, il apparaît plus simple d'aller en prison que de se soumettre aux règles d'un foyer, de rendre compte de ce qu'ils ont à faire. Il nous revient de suppléer à la carence parentale en imposant une éducation, même quand elle n'est pas souhaitée ; voilà notre devoir.