Je commencerai par vous présenter les grandes lignes du projet de code de la justice pénale des mineurs. L'ordonnance portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs a été publiée le 13 septembre 2019, après de nombreuses consultations de l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance - magistrats de la protection judiciaire de la jeunesse, avocats, secteur associatif habilité. Un groupe de travail s'était également réuni auparavant sur ce sujet, le ministère de la justice ayant pour objectif depuis plus de dix ans de revoir l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, laquelle a fait l'objet de trente-neuf réformes avant celle qui nous occupe, et était devenue illisible - la numérotation n'était plus cohérente, les dispositifs, législatifs et réglementaires, s'étaient empilés. Tous les professionnels de la justice des mineurs attendent aujourd'hui avec impatience le débat de fond sur ce sujet de société.
Les objectifs sont de clarifier et de simplifier ce code, sur la base d'un article, une idée, afin que les choses soient facilement repérables par les justifiables, de regrouper l'ensemble des dispositions spécifiques aux mineurs et de réaffirmer les grands principes de l'ordonnance de 1945, qui sont posés dans un article préliminaire. Cet article rappelle, dans des termes repris du Conseil constitutionnel pour certains d'entre eux, la primauté de l'éducatif, l'atténuation de la responsabilité des mineurs délinquants et la spécialisation de la justice des mineurs. Un certain nombre de dispositions confortent d'ailleurs cette spécialisation.
Il s'agit de redonner au juge des enfants une place centrale et permanente dans le suivi de la procédure pénale des mineurs. Depuis une décision du Conseil constitutionnel de juillet 2011, il n'était plus possible pour le juge des enfants qui avait suivi l'instruction d'une procédure ou qui avait signé une ordonnance de renvoi devant une juridiction de jugement de connaître du jugement de cette affaire. Il en résultait souvent, dans les grosses juridictions, un morcellement de l'accompagnement et des décisions parfois contradictoires ou incohérentes.
C'est la raison pour laquelle le projet de code de la justice pénale des mineurs prévoit une procédure en deux temps : une procédure principale permettant de déclarer la culpabilité dans un délai compris entre dix jours et trois mois, à compter du moment où la juridiction est saisie, puis un renvoi devant une juridiction, dans un délai de six à neuf mois, qui statuera sur la sanction, après une période dite de « mise à l'épreuve éducative », au cours de laquelle un accompagnement éducatif et une évaluation approfondie de la situation seront effectués par les services de la protection judiciaire de la jeunesse et les services associatifs habilités. À l'issue de cette période, il pourra ainsi être tenu compte des évolutions du mineur délinquant.
L'intérêt est de pouvoir statuer plus rapidement sur la culpabilité dans la majorité des cas soumis au juge des enfants, sachant qu'entre 60 % et 65 % des petites transgressions sont traitées directement par le parquet. Les affaires criminelles, ainsi que les affaires correctionnelles graves et complexes, sont, elles, orientées vers le juge d'instruction, une instruction approfondie étant nécessaire. Le reste, soit environ 30 % des affaires poursuivies devant les juridictions pour mineurs, relèvera de la compétence du juge ou du tribunal pour enfants. Il s'agit en grande majorité d'affaires d'une faible complexité en termes d'analyse des faits, impliquant très souvent un auteur unique. C'est dans ces affaires que pourra se déployer pleinement cette procédure. Il sera possible de statuer rapidement sur la culpabilité, dans le respect des droits de la défense, sachant que les dossiers complexes nécessitant un débat approfondi pourront évidemment être réorientés vers le tribunal pour enfants.
La décision de statuer plus rapidement sur la culpabilité résulte des évolutions des neurosciences et de la pédopsychiatrie, qui ont bien mis en évidence que les adolescents ont une perception du temps différente de celle des adultes. Un trop grand intervalle de temps entre la commission des faits et la réponse apportée entraîne une perte de sens pour les jeunes. Il n'était pas rare dans le fonctionnement antérieur qu'un mineur dise à un éducateur qu'il était présumé innocent et qu'il ne comprenait donc pas pourquoi il était, par exemple, placé sous contrôle judiciaire, voire en détention provisoire. N'oublions pas que les détenus mineurs sont à 80 % en détention provisoire, ce qui est le cas de seulement 30 % des adultes. C'est inacceptable. C'est la raison pour laquelle une décision rapide sur la culpabilité est intéressante. Je rappelle par ailleurs que près de 45 % des mineurs ayant commis un acte de délinquance étaient jugés, toujours dans le fonctionnement antérieur, alors qu'ils étaient devenus majeurs.