Peut-être aurais-je dû commencer par préciser ma position. J'ai accepté de préparer ce rapport au mois de juillet, à la demande de la ministre des solidarités et de la santé. Cependant, je ne représente aucunement le Gouvernement ; je n'aurai, en outre, bientôt plus de fonctions politiques.
Le périmètre de mon travail, qui fait suite au rapport Libault, n'inclut pas la gouvernance du secteur. Nous avons en effet souhaité le restreindre aux questions de la qualité de vie au travail et de la qualité de service.
La gestion budgétaire a pris le pas sur la réalité de terrain. Or, d'après l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), 10 % de personnes âgées sont restées cet été sans aide à domicile !
Je ne suis pas responsable des engagements budgétaires qui seront pris. C'est pourquoi je me suis permis, avec la pleine liberté que m'a donnée la ministre, d'évaluer le coût en année pleine des mesures que nous proposons.
J'ai mentionné une augmentation de 20 % du taux d'encadrement, et non de 25 %, parce que la LFSS 2020 a prévu des créations de postes. Mais ces postes, financés, ne sont pas pourvus ! Il faut d'abord que ceux qui occupent un poste ne le quittent pas pour des raisons d'inaptitude ou d'épuisement. Si un responsable de secteur fait 80 % de remplacements, 80 % de son temps consiste à trouver des personnes à remplacer : dans ces conditions, on finit par renoncer. Notre analyse est partie de la crise actuelle, de ce que nous disent les professionnels et les employeurs privés, associatifs et publics, qui rencontrent tous les mêmes difficultés pour explorer des pistes et donner de l'espoir.
En revanche, je n'ai pas de solutions pour le financement, car cela n'entre pas dans mes fonctions. Je me suis permis, dans le cadre du rapport, de reprendre à mon compte la proposition de M. Libault sur la CRDS, parce que ce secteur doit bénéficier de ressources propres et pérennes.
Le département est en effet la bonne échelle pour le grand âge. On ne peut financer ce secteur de la même manière en hyper-ruralité et dans les territoires urbains. La situation des outre-mer et départements frontaliers présente d'autres spécificités. Au Luxembourg, le premier salaire est de 2 100 euros...
Le tarif national socle est préconisé par le rapport Libault pour réduire les disparités. Le secteur associatif n'a pas la charge des personnes les plus dépendantes ni des plus grands trajets ; il a besoin de soutien. La nécessité de ce tarif est une évidence, mais les travaux sur la question ne prenaient pas en compte le respect du minimum conventionnel du SMIC. Il faut relancer la réflexion. Nous sommes confrontés à une crise démographique majeure où les départements sont en première ligne. Il faut éviter que le salaire de ces professionnels soit lié à l'agrément national, dont la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) est sortie.
Cela nous renvoie à la désorganisation du secteur, avec ses sept conventions collectives dans le privé et ses trente fédérations. Les professionnels du secteur doivent porter des communications collectives et faire un travail sur la lisibilité des formations. Les fonctions de tuteur, de formateur, de coordinateur doivent être valorisées dans les conventions collectives.
Il faut également de nouvelles fonctions, avec des rémunérations associées, dans l'ensemble des conventions collectives ; 170 euros par mois consacrés aux déplacements, ce n'est pas tenable. Les associations sont épuisées. La réduction des coûts, avec la mise à disposition de véhicules corrects, doit être un objectif.
Je ne crois pas que votre reproche de ne pas évoquer les services à domicile, monsieur Bonne, soit justifié. C'est dans les services à domicile que l'injustice est la plus grande. Ils ont fourni d'importants contingents aux gilets jaunes, d'autant qu'ils se sentent peu représentés dans le mouvement syndical. Mais on ne peut nier que les départements recrutent des personnes aussi peu formées que possible, parce que cela leur coûte moins cher ! La ministre Agnès Buzyn a annoncé une grande conférence sociale. C'est le point de départ de la réflexion.
Notre rapport propose d'annualiser l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) : une personne âgée sortant d'hospitalisation a besoin d'un grand nombre d'heures d'aide à domicile. Or il faut attendre la réunion de la commission concernée - le comité Théodule, selon le mot de l'auxiliaire de vie qui m'en a parlé - ce qui peut prendre de deux à trois mois... Un plan annuel de l'APA permettrait aux acteurs d'évaluer en amont l'évolution des besoins. Ce sont des éléments concrets.
Les plateformes départementales ne sont pas un doublon. Il est encore des plans de prise en charge qui proposent une « aide-ménagère à domicile » ; or il ne s'agit pas d'aides-ménagères, mais bien d'auxiliaires de vie ! Les professionnels de l'emploi, l'ensemble des acteurs doivent mieux connaître ces métiers. Il suffit de trois ou quatre personnes pour se déplacer dans les EPIC, les commissions locales, les lycées. La force de ces plateformes est le sas d'orientation.