Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous, nous n’avons pu que constater la violence inédite des incendies meurtriers qui dévastent l’Australie, sa faune et sa flore.
Si la préservation du patrimoine forestier mondial prend, à l’aune du changement climatique, une importance particulière, l’inquiétude quant à l’état des forêts françaises est ancienne. En effet, notre forêt tempérée associe des organismes vivants, végétaux et animaux, de toutes sortes et de toutes tailles, à des milieux très diversifiés par les sols, les climats, l’eau et les matières minérales. Comme tout être vivant, notre forêt est soumise à des influences susceptibles de perturber un équilibre fragile.
Mitage forestier, phénomène de « cabanisation », pollution : les menaces sur la forêt française, si elles ont changé de visage, demeurent d’actualité.
L’action indispensable du garde forestier ne suffit plus. La préservation de la forêt requiert l’intervention du législateur.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été déposée par le député Jean-Noël Barrot, vise à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. Pour rappel, le mitage n’est autre que la vente de parcelles de petite taille à des particuliers, souvent à des prix très élevés, en vue de donner au bien ainsi acquis un usage non conforme à sa vocation naturelle ou à son classement dans les documents d’urbanisme locaux.
L’île de France est, malgré son caractère urbain remarquable, aussi verte que bien d’autres régions françaises : ses 261 000 hectares de forêts aux caractéristiques bien spécifiques justifient la mise en œuvre d’outils spécifiques concourant à la préservation de cette forêt. En effet, le poumon vert de la région la plus densément peuplée du pays est soumis à une pression foncière sans comparaison avec le reste du territoire ; cette forêt connaît de multiples usages et un morcellement excessif.
Autre point non négligeable, sa répartition spatiale est très hétérogène : on relève quelques très gros massifs forestiers, comme ceux de Fontainebleau, de la vallée de la Seine et de Rambouillet, bien évidemment, mais aussi une forêt d’une plus faible densité dispersée sur le territoire rural de la grande couronne. Vous comprendrez que ce sujet tienne particulièrement à cœur à Mme le rapporteur et moi-même en tant qu’Yvelinois.
La forêt francilienne apparaît donc, dans ce contexte, particulièrement exposée au mitage forestier.
L’objectif de cette proposition de loi est simple : il s’agit de pérenniser un dispositif expérimental. En effet, la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a donné un nouveau pouvoir à la Safer d’Île-de-France, en l’autorisant à préempter, pour une durée de trois ans, en cas d’aliénation à titre onéreux, des parcelles en nature réelle de bois ou qui sont classées en nature de bois et forêt au cadastre, d’une superficie totale inférieure à trois hectares, lorsque l’exercice de ce droit de préemption a pour objet la protection et la mise en valeur de la forêt desdites parcelles.
L’expérimentation n’est pas encore arrivée à son terme. Néanmoins, le bilan de sa mise en œuvre du 28 février 2017 au 31 octobre 2019, tel qu’il résulte des données transmises par la Safer, apparaît suffisamment probant ; tous les acteurs de terrain le plébiscitent.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : depuis février 2017, la Safer d’Île-de-France a engagé de la sorte 198 préemptions. Ces actions ont été fréquemment motivées par plusieurs objectifs légaux, mais, dans 107 cas, le principal objectif invoqué était la protection et la mise en valeur de la forêt.
En d’autres termes, si nous n’avions pas légiféré sur le sujet et mis en place cette expérimentation il y a trois ans, dans 107 cas, soit 20 % des situations de préemption, les collectivités et la Safer se seraient trouvées impuissantes face à une vente contribuant à accroître le mitage…
L’efficacité de ce dispositif sur le territoire repose sur son caractère préventif. C’est bien logique, puisque, une fois la parcelle vendue, illégalement défrichée et artificialisée, il est particulièrement difficile pour les communes d’intervenir.
Je le redis : des collectivités territoriales à la Safer, des propriétaires privés aux préfectures, en passant par les associations environnementales, tous les acteurs sont d’accord quant à la qualité de ce dispositif, qui a fait la preuve de sa pertinence opérationnelle.
Mes chers collègues, les objectifs fixés dans le cadre de l’expérimentation – amélioration de la structure des propriétés forestières et préservation des forêts franciliennes du mitage, de la pression foncière et de l’étalement urbain – ayant été atteints, il apparaît donc totalement justifié de pérenniser ce dispositif sans attendre l’expiration du délai de trois ans.
Bien évidemment, le groupe La République En Marche votera en faveur de cette proposition de loi.