Intervention de Jean-Raymond Hugonet

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Mitage des espaces forestiers en île-de-france — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Raymond HugonetJean-Raymond Hugonet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la pédagogie étant affaire de répétition, je rappelle pour la énième fois que la proposition de loi n° 159, adoptée par l’Assemblée nationale et visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France, a pour objectif de pérenniser une expérimentation lancée il y a bientôt trois ans.

Ce dispositif expérimental a démontré son utilité sur le terrain, mais il arrive bientôt à son terme et risque de s’éteindre si nous n’intervenons pas pour le pérenniser.

Il s’agit donc de protéger la forêt francilienne. Ce « poumon vert » de la région la plus densément peuplée de l’Hexagone est en effet particulièrement exposé au phénomène de « mitage forestier ».

Concrètement, des parcelles de petite taille sont vendues à des particuliers pour un prix élevé et font ensuite l’objet d’un usage non conforme à leur vocation naturelle ou à leur classement dans les documents d’urbanisme. Il en résulte un processus de « cabanisation ».

Le mécanisme retenu pour contrecarrer cette évolution a été de créer un droit de préemption des petites parcelles forestières, au profit de la seule société d’aménagement foncier et d’établissement rural d’Île-de-France.

Le succès de l’expérimentation est le critère fondamental pour permettre au législateur d’évaluer le bien-fondé d’une pérennisation. C’est également une condition de validité essentielle selon le juge constitutionnel : celui-ci vérifie en effet que la pérennisation ou la généralisation d’un dispositif dérogatoire repose bien sur une évaluation de sa mise en œuvre solide et convaincante.

Or le bilan de la mise en œuvre du nouveau droit de préemption du 28 février 2017 au 31 octobre 2019, transmis par la Safer Île-de-France, montre bien la nécessité de pérenniser le dispositif. En effet, sur presque 200 cas de mise en œuvre du droit de préemption de parcelles forestières, la moitié n’aurait pas été possible sans actionner le dispositif expérimental.

Plus en détail, quantitativement, depuis février 2017, l’objectif de protection et de mise en valeur de la forêt a figuré parmi les motifs invoqués par la Safer dans 198 procédures de préemption, soit 39 % des 510 préemptions exercées au total. Cet outil juridique est donc pleinement opérationnel.

En outre, qualitativement, la mise en œuvre de ce droit permet de contrecarrer la tendance au morcellement extrême de la forêt francilienne.

Les 198 ventes sur lesquelles la Safer est intervenue représentent une surface totale d’environ 105 hectares de foncier forestier. Il en ressort une surface moyenne de 5 289 mètres carrés par opération, soit environ le sixième du plafond de trois hectares prévu par la loi.

L’efficacité du dispositif comporte donc un volet préventif et dissuasif particulièrement utile, et c’est une excellente chose puisque, lorsqu’une parcelle est vendue, illégalement défrichée et artificialisée, il est excessivement difficile pour les communes et les maires d’intervenir, car notre droit prévoit un certain nombre de souplesses permettant de s’installer à titre provisoire dans certains habitats démontables ou mobiles.

S’agissant de la conformité juridique de ce texte, qui ne s’applique que sur une portion du territoire hexagonal, on peut citer des précédents, comme la décision du Conseil constitutionnel qui a validé la création d’une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France.

Pour justifier la nécessité d’un dispositif spécifique à la forêt francilienne, il convient de rappeler que celle-ci est trois fois plus morcelée que dans l’ensemble de l’Hexagone, avec des parcelles d’une superficie moyenne d’un hectare, ce qui affaiblit son potentiel de gestion et de protection.

Les forêts franciliennes doivent donc rester en mesure de bénéficier de ce que les scientifiques appellent l’effet fertilisant du CO2, qui permet aux arbres de se développer en capturant du carbone tout en diffusant de l’oxygène dans l’atmosphère francilienne.

De plus, ces peuplements forestiers sont les garants d’une certaine fraîcheur climatique pour les Franciliens, puisqu’un arbre d’assez grande taille puise environ 100 litres d’eau par jour dans le sol et en vaporise une grande proportion dans l’air.

Je précise également ici que, comme l’ont souligné fort justement en commission nos collègues Daniel Gremillet Jackie Pierre, Franciliens d’adoption

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