Intervention de Joël Labbé

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Barrière écologique aux frontières — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai cette intervention sur une notre positive, car il est réjouissant de voir les questions climatiques de plus en plus mises à l’agenda. Le discours selon lequel « l’écologie ça suffit », qui n’est pas si ancien, n’a plus droit au chapitre, et c’est une bonne chose. Il faut dire que les événements climatiques extrêmes en France comme dans le monde permettent difficilement d’ignorer l’urgence environnementale à laquelle nous faisons face.

Cependant, après les paroles, il faut des actes forts. Or, aujourd’hui, on peine encore à distinguer derrière les discours les actions concrètes qui permettraient d’affronter véritablement les enjeux se présentant à nous.

C’est pourquoi il nous semble nécessaire que le sujet de la « barrière écologique aux frontières » soit à l’ordre du jour. J’espère que cette idée, qui figure aujourd’hui dans tous les discours, pourra déboucher sur la mise en place de mécanismes à la fois efficaces et justes.

Ce sujet semble, dans son principe en tout cas, faire consensus dans notre pays : la taxation carbone aux frontières faisait partie du programme de la plupart des formations politiques françaises lors des élections européennes. De même, via le Green D eal, la présidente de la Commission européenne a annoncé envisager un ajustement carbone aux frontières si les écarts entre l’Union européenne et le reste du monde persistaient.

En effet, en plus de rétablir une certaine équité dans les échanges internationaux, une taxation bien pensée pourrait inciter les entreprises à adopter des technologies bas-carbone et à apporter les recettes nécessaires au financement d’une transition écologique à la fois efficace et juste.

Une récente étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), publiée le 9 janvier dernier, indique qu’une taxe carbone aux frontières bien conçue pourrait avoir des effets redistributifs, tout en permettant aux ménages de s’orienter efficacement vers des biens moins polluants.

Or on sait qu’il est nécessaire, pour des questions d’acceptabilité, mais aussi et surtout de justice sociale, que la transition écologique contribue à réduire les inégalités.

Cependant, cette question est très complexe, et, pour qu’elle soit abordée de manière constructive, il est nécessaire de répondre à certaines interrogations sur les modalités de mise en œuvre des dispositifs déployés à cette fin.

Tout d’abord, on peut se demander comment échapper aux accusations de protectionnisme déguisé. La proposition de résolution prévoit ainsi de taxer aux frontières les produits fortement émetteurs de gaz à effets de serre. Pour être légitime, il faudrait que cette taxe s’applique de manière identique sur les producteurs européens. Or cette solution ne semble pas proposée au travers du texte qui nous est soumis.

Aussi ce texte ne serait-il pas compatible avec les règles du commerce international et sa légitimité serait-elle difficile à défendre. L’ajustement carbone aux frontières ne doit pas constituer un simple outil de protectionnisme : il doit favoriser les produits les plus respectueux de l’environnement et inciter l’ensemble des acteurs à faire évoluer leurs pratiques, et pas uniquement les producteurs des pays tiers.

L’autre mesure proposée au travers de ce texte, à savoir une taxation des produits provenant de pays ne respectant pas les standards européens en matière environnementale, nous paraît plus juste et plus réalisable, mais la proposition de résolution ne semble l’envisager que secondairement.

Au-delà des questions de mise en œuvre, afin de contrer toute accusation de protectionnisme déguisé, il convient de s’interroger sur l’insuffisance des efforts nationaux.

Quelle pourrait être la légitimité de la France à exiger un renforcement de la taxe carbone en Europe, alors qu’elle fait partie des plus mauvais élèves européens en matière de recettes fiscales environnementales en pourcentage du produit total d’impôts et de cotisations ?

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