Intervention de Jean-Pierre Decool

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Barrière écologique aux frontières — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Pierre DecoolJean-Pierre Decool :

Nous l’avons remarqué lors des élections européennes du mois de mai dernier, l’idée d’une taxe écologique aux frontières de l’Europe a été très largement partagée par le spectre politique en France. Comme les auteurs de la proposition de résolution le précisent, l’échelon européen semble le plus indiqué pour une efficacité réelle du mécanisme et une protection de nos engagements et de nos règles intérieures.

Le gouvernement actuel fait de ce mécanisme d’ajustement aux frontières un point essentiel de sa vision environnementale et économique européenne, ce que nous saluons, tout comme est essentielle l’importance de la réciprocité dans les accords commerciaux que l’Union européenne est amenée à conclure avec le reste du monde. Il s’agit d’un instrument parmi d’autres du respect de notre modèle, de nos règles et de nos valeurs.

L’Union européenne a consenti des efforts notables sur ce sujet, grâce à la nouvelle génération d’accords internationaux qui inclut un volet social et environnemental. Nous devons poursuivre notre engagement dans ce sens. Le refus de négocier des accords avec des alliés ne respectant pas nos principes doit être considéré comme une juste affirmation de notre identité collective et une volonté de préserver notre système.

L’Europe, qui aspire à la neutralité carbone à l’horizon 2050, est consciente de l’importance d’un mécanisme d’ajustement du carbone aux frontières. La nouvelle Commission européenne l’inscrit d’ailleurs dans la première partie de sa communication présentant son Pacte vert européen. Une proposition sera formulée sur le sujet au cours du dernier trimestre de l’année 2021 ; nous y serons très attentifs et souhaitons que le gouvernement français reste mobilisé sur cet enjeu.

La semaine dernière, le commissaire européen Thierry Breton, présentant les grandes lignes de son projet, a expliqué que le travail s’orientait « pour faire en sorte que nos concurrents paient le juste prix des normes en vigueur chez nous ». C’est important pour l’environnement comme pour notre compétitivité.

La proposition de résolution rappelle que les entreprises vertueuses européennes pourraient être pénalisées par rapport au reste des puissances mondiales. Ces phénomènes de concurrence déloyale et de distorsion ne sont pas acceptables. Les fuites de carbone, comme on les appelle, profitent de l’absence du mécanisme juste, clair et efficace que nous appelons de nos vœux.

De nombreuses questions se posent quant à la forme que pourrait prendre un tel mécanisme. La proposition de résolution évoque la taxation de produits importés fortement émetteurs ou de produits provenant de pays qui ne respectent pas les standards européens en matière environnementale. Ce sont des pistes intéressantes, qui pourraient garantir l’efficacité du dispositif.

Cependant, des limites et des obstacles devront être surmontés.

Tout d’abord, l’Europe doit s’accorder. La vision française de la taxe carbone aux frontières semble s’imposer peu à peu, mais nous devrons trouver des points de compromis. Nous avons noté récemment la complexité des échanges sur la neutralité carbone de l’Union européenne en 2050 et l’absence de participation de la Pologne à ce dispositif, pour le moment.

Les questions fiscales relèvent de la compétence nationale, et il faudra obtenir l’unanimité des États membres pour créer une taxe écologique à l’échelon européen. Certains de nos partenaires restent à convaincre.

Par ailleurs, comme le souligne très justement la proposition de résolution, la barrière écologique aux frontières devra respecter les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Nous connaissons tous le principe de non-discrimination des produits similaires, d’où la nécessité d’établir le bon format, afin de s’assurer d’une dérogation efficace.

Enfin, la dernière interrogation que je souhaite porter à votre attention, mes chers collègues, porte sur la méthode de mesure de l’empreinte des produits et sur le montant du prix du carbone qui seront suffisamment efficaces pour permettre de créer une barrière performante et influente.

N’oublions pas que nous souhaitons non seulement nous protéger économiquement et sauvegarder notre environnement, mais également inciter d’autres parties du monde à respecter des engagements environnementaux forts, notamment ceux qui ont été pris lors de la COP21 à Paris.

Cette taxe pourrait ainsi créer parallèlement deux cercles vertueux : un premier, international, où entreraient le plus de pays possible, qui réduirait notre impact global sur l’environnement ; un second, européen, où la taxe permettrait de financer la transition écologique de notre ensemble.

De nombreux volets sont à soutenir en termes de recherche et d’innovation, de rénovations ou de financement vert, pour ne citer que ces points. Afin d’accomplir tous ces efforts, les moyens financiers se révéleront déterminants. C’est pourquoi il est primordial de redistribuer de manière pratique et utile les recettes d’un tel mécanisme.

Le gouvernement français doit continuer à défendre la taxe carbone et à persuader ses partenaires européens de construire un mécanisme performant. Le groupe Les Indépendants en est convaincu et votera donc cette proposition de résolution. Il y va de la protection de notre modèle et de notre compétitivité, mais aussi de l’influence mondiale que l’Europe ambitionne d’avoir sur les sujets économiques et environnementaux dans les décennies à venir.

Mes chers collègues, l’horizon 2050 commence aujourd’hui.

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