Intervention de Valérie Létard

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Barrière écologique aux frontières — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Valérie LétardValérie Létard :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà sept mois, la mission d’information sur l’avenir de la sidérurgie présentait son rapport final. Sa conclusion était claire : il est urgent de « donner des armes » aux producteurs français d’acier, face à une compétition mondiale féroce, à des concurrents proposant des prix toujours plus cassés et au défi immense de la transition environnementale.

La proposition de résolution qui nous est présentée aujourd’hui répond à l’appel lancé par ce rapport d’information. Elle vise justement à « donner une arme » concrète aux entreprises européennes, afin que l’ambition écologique, qui ne doit pas être remise en question, dépasse les frontières de notre marché intérieur.

Dans le cas de l’acier, ressource d’importance stratégique que nous avons étudiée de près, le déséquilibre est flagrant. L’industrie française consomme en majorité de l’acier importé, alors même que nous avons fermé 144 des 152 hauts-fourneaux français en cinquante ans. À l’inverse, la Chine produit aujourd’hui la moitié de l’acier mondial, en grande partie dans des fourneaux obsolètes et extrêmement polluants, mais elle ne connaît ni quota carbone ni taxation énergétique.

Le résultat est clair : l’acier plat chinois est en moyenne environ 20 % moins cher que l’acier européen, à qualité et techniques égales. Les importations d’acier par la France ont augmenté de 70 % en cinq ans.

Entendons-nous bien : nous risquons là de manquer notre objectif ! Au-delà de notre industrie, c’est la protection de l’environnement qui pâtit de ces déséquilibres. L’empreinte carbone de la France s’est détériorée malgré tous les efforts des acteurs économiques, malgré les immenses efforts financiers consentis. Je rappelle, par exemple, que la « compensation carbone » coûte, à elle seule, 280 millions d’euros par an à notre pays.

La transition énergétique et écologique de l’industrie européenne ne pourra se faire si les politiques publiques tuent les entreprises les plus vertueuses.

Je partage donc entièrement l’objectif de la proposition de résolution de Jean-François Husson et Bruno Retailleau : il faut restaurer des conditions de concurrence équitables, en compensant le déficit de compétitivité résultant des contraintes environnementales imposées à nos entreprises. Même si ces dernières sont nécessaires, nos entreprises doivent disposer des outils adaptés.

La bonne solution, c’est d’inciter nos partenaires commerciaux à adopter des modes de production plus vertueux, sous peine d’acquitter une taxe aux frontières de l’Europe. Il faudra travailler sur la nature de cette taxe et sur le calibrage des outils de mesure, mais je partage le point de vue de notre collègue Jean-Pierre Decool : il est tout à fait vrai que certaines questions doivent encore être réglées. Dans ces conditions, les mêmes règles du jeu vaudront pour tout le monde.

Ce principe d’action, cette réponse, ne peut évidemment être qu’européen, madame la secrétaire d’État. C’est pourquoi le gouvernement français doit s’engager à continuer de défendre auprès des institutions européennes la mise en place d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières du marché intérieur.

Aujourd’hui, la réflexion mûrit, et la dynamique est bonne : la nouvelle Commission a repris cette proposition, émise de longue date par la France.

Nous demandons à l’exécutif de poursuivre ses efforts, afin de rallier tous les États membres. Il faut enfin entrer dans une dynamique vertueuse, constructive, concrète, grâce à laquelle les efforts des industriels en faveur de l’environnement seront réellement valorisés, plutôt que d’être vus comme des poids pour l’emploi et la prospérité de l’Europe.

En conclusion, madame la secrétaire d’État, il faut faire en sorte que le temps de l’Europe corresponde au temps réel de l’économie, afin que les entreprises vertueuses, celles qui ont fait justement l’effort de s’adapter aux nouveaux enjeux, ne meurent pas. L’Europe doit être au service de nos concitoyens et de l’économie de tous les États membres ; sinon, nous aurons tout perdu, et la crédibilité de l’Union européenne en pâtira.

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