Intervention de Jean Bizet

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Barrière écologique aux frontières — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier notre collègue Jean-François Husson de nous permettre de débattre de la stratégie de l’Union européenne en matière de lutte contre les dérèglements climatiques, de ses conséquences économiques éventuelles et des mesures à adopter pour concilier développement durable, développement économique et inclusion sociale.

Aujourd’hui, au travers de cette proposition de résolution, Jean-François Husson lance un appel à la vigilance et à l’action : il s’agit de mettre en œuvre des mécanismes d’accompagnement adaptés à l’échelon européen.

C’est une nécessité, alors que le Conseil européen, suivant le Pacte vert pour l’Europe présenté par la Commission, ambitionne de faire de l’Europe un continent climatiquement neutre d’ici à 2050. L’Europe, qui souhaite être à la pointe de l’action contre les dérèglements climatiques, sera ainsi exemplaire dans la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat.

Il ne faut toutefois pas se voiler la face : atteindre la neutralité carbone demandera d’intenses efforts. La Commission européenne le souligne d’ailleurs dans sa communication sur le Pacte vert, en affirmant qu’il faut « transformer l’économie de l’Union ».

Pour mener à bien cette transformation, la Commission entend utiliser de nombreux leviers, que ceux-ci soient budgétaires, fiscaux ou même taxonomiques, pour encourager les investissements orientés vers le développement durable. Sur ces différents points, je vous renvoie à la communication qu’a présentée notre collègue Jean-Yves Leconte à la commission des affaires européennes, en novembre dernier.

Certaines filières bénéficieront de cette transformation économique. Le développement des technologies bas carbone représente un potentiel considérable. Il y a là une occasion que l’Europe doit saisir en développant des filières à la fois innovantes, compétitives et pourvoyeuses d’emplois. En résumé, il nous faudra mener une réflexion fondée sur la transgression, l’innovation et la brevetabilité.

D’autres filières subiront des contraintes nouvelles, et il faudra les accompagner. Tel sera notamment l’objet du nouveau fonds de transition promis par la Commission. Je forme le vœu que cet accompagnement soit bien calibré, afin d’éviter que certains de nos concitoyens ne se sentent exclus de la marche de l’Europe.

L’Europe n’évolue pas dans une bulle, à l’abri des contraintes extérieures. L’émergence sur notre sol de processus industriels vertueux, qui nécessitera des investissements gigantesques, n’aura qu’une portée limitée pour lutter contre le changement climatique si les conditions de l’échange international n’évoluent pas et si nous ne sommes pas en mesure de lutter contre le dumping écologique.

Rappelons à cet égard que les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore la Russie n’ont pris aucun engagement similaire à ceux de l’Europe, et que rien n’indique qu’ils le feront dans un proche avenir. J’ajoute, sans vouloir être provocateur, que l’Europe ne produit que 9 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelon mondial. On peut être vertueux et être un initiateur, mais cet élément doit être pris en compte.

Je me félicite donc que la Commission européenne, dans sa communication sur le Pacte vert présenté en décembre dernier, affirme qu’elle entend « utiliser son influence, son expertise et ses ressources financières pour inciter les pays de son voisinage et ses partenaires à la rejoindre sur une trajectoire durable », mais aussi qu’elle souligne « la nécessité de préserver sa sécurité d’approvisionnement et de maintenir sa compétitivité, même lorsque les autres ne sont pas disposés à agir ».

Ne soyons pas naïfs, de l’autre côté de l’Atlantique, nos amis américains investissent différemment et brevettent. Lorsqu’ils maîtriseront suffisamment leurs brevets, ils les imposeront à l’Europe. Être vertueux, c’est bien ; être innovant, ce n’est pas mal non plus !

De manière très concrète, lors de sa venue à Paris la semaine dernière, au cours de laquelle il s’est entretenu avec le président Larcher, le commissaire européen au commerce Phil Hogan a indiqué qu’il entendait faire du respect de l’accord de Paris une clause essentielle des futurs accords commerciaux. C’est un point important, qui témoigne de la volonté de cette commission d’affirmer la puissance commerciale de l’Europe et d’utiliser les relations commerciales pour « faire la norme » à l’échelon mondial. Je le dis souvent : la norme fait le marché.

Cette proposition de résolution insiste par ailleurs évidemment sur les mesures à prendre tant que d’autres États ne joueront pas le jeu, tant qu’ils ne partageront pas notre ambition. Nous ne pouvons accepter ce que les experts appellent le risque de fuite de carbone, c’est-à-dire la possibilité que des productions soient transférées de l’Union vers des pays moins ambitieux.

J’aurais encore beaucoup à dire, mais je serais alors rappelé à l’ordre par le président de séance…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion