Intervention de Jean-François Longeot

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Barrière écologique aux frontières — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe Les Républicains de cette proposition de résolution, qui est cohérente avec l’actualité européenne récente et qui défend une certaine vision européenne, sur laquelle je reviendrai.

En effet, la nouvelle Commission européenne souhaite renouer avec un agenda positif, l’objectif étant de faire de l’Union européenne le premier continent neutre en carbone en 2050, grâce à la mise en œuvre de plusieurs politiques d’envergure, telles qu’un plan d’investissement massif dans la transition écologique ou encore la création d’une taxe carbone aux frontières.

Ce projet pourrait être vu comme le nouvel acte protectionniste d’une guerre commerciale, qui reléguerait la lutte contre le changement climatique derrière des intérêts nationaux. Il n’en est rien ! Au contraire, un tel outil permettrait enfin à l’Union européenne de se doter d’une stratégie d’ensemble et de concilier ambition écologique et efficacité économique.

Jusqu’alors, les gros émetteurs participaient à un marché européen des quotas de carbone, qui a rapidement perdu sa crédibilité et qui a envoyé des signaux économiques contradictoires. Les émetteurs diffus, quant à eux, étaient soumis à des taxes nationales sur le carbone, taxes non coordonnées, voire concurrentes.

Or une taxe aux frontières permettrait, d’une part, de prévenir les fuites de carbone, qui rendent les dispositifs nationaux inefficaces, et, d’autre part, de protéger les entreprises européennes contre tout risque de concurrence déloyale de la part d’acteurs non soumis aux mêmes contraintes.

Si l’Europe veut être pionnière dans la transition écologique, elle devra poursuivre une politique climatique ambitieuse consistant à restaurer la crédibilité du marché du carbone en interne, et mettre en place la taxe carbone aux frontières, afin de compenser l’impact du prix du carbone sur la compétitivité des entreprises européennes.

La transition écologique ne doit pas opposer écologie et compétitivité ; elle ne doit pas non plus opposer écologie et justice sociale. À cet égard, l’objectif des taxes nationales reste bien de verdir la fiscalité, et non de l’alourdir. De même, une fiscalité carbone aux frontières aurait des effets redistributifs plus importants qu’une taxe carbone domestique, en ce qu’elle porte sur des biens substituables, contrairement aux produits énergétiques.

En parallèle, les objectifs du New Green Deal imposent de soutenir les investissements dits « verts ». À cet égard, je suis convaincu de la nécessité de faciliter de tels investissements, en permettant aux États membres de les extraire du pacte de stabilité et de croissance, comme l’a suggéré récemment le nouveau commissaire à l’économie, Paolo Gentiloni. C’est une position que je partage pleinement, pour l’avoir suggérée dans une proposition de résolution déposée au Sénat le 10 septembre dernier.

Je le disais en introduction, la taxation du carbone aux frontières de l’Europe n’est pas une manière pour l’Europe de défier ses partenaires commerciaux. Alors qu’un prix du carbone n’a pas pu être inscrit dans l’accord de Paris, la mise en place de cette taxation au sein de l’Union européenne assurerait au continent une crédibilité sur la scène internationale et une influence sur ses partenaires.

Elle traduirait également un pouvoir d’initiative retrouvé, qui permettra à l’Europe, j’en suis sûr, d’orienter les grandes transformations que connaît notre monde et de montrer, à rebours du constat amer de Paul Valéry, qu’elle est capable d’avoir « la politique de sa pensée ».

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