Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier vivement les sénateurs Jean-François Husson et Bruno Retailleau, qui ont déposé cette proposition de résolution le 29 novembre dernier, quelques jours avant la COP25 et préalablement à la présentation par la Commission européenne de son projet de pacte vert pour l’Europe.
Le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité apparaissent désormais comme des enjeux existentiels, et nous avons besoin d’une mobilisation transpartisane pour y faire face. Chacun peut apporter sa vision des moyens à mobiliser et des façons d’aborder ce défi, et je me félicite de constater que, dans toutes les tendances politiques, l’on contribue activement à un débat de qualité.
Selon l’impression générale, la COP25 a été décevante. Nouvelle étape de la mobilisation internationale pour la lutte contre le changement climatique, elle devait être celle de l’action, de l’urgence à agir. Mais elle a été bloquée par certains États, et, sans consensus, les dernières règles relatives à la mise en œuvre de l’accord de Paris n’ont pu être adoptées.
Je modérerais toutefois ce pessimisme en rappelant que c’est aussi pendant cette COP, accueillie généreusement par l’Espagne, dans les circonstances politiques que nous connaissons, que l’Union européenne a annoncé son objectif de neutralité carbone pour 2050, le 12 décembre. Le lendemain, elle a présenté son pacte vert, le fameux Green Deal. Il est important de le souligner.
Les dernières règles que nous devions adopter à Madrid portaient précisément sur les systèmes d’échange d’émissions de gaz à effet de serre entre États, notamment les marchés du carbone.
Certains États poussaient à la conclusion d’un mauvais accord, qui leur aurait permis de compter deux fois leurs crédits carbone ou de financer des projets de transition supposée, sans aucune garantie sur leur bonne mise en œuvre et leur impact en faveur du climat. Nous ne pouvions l’accepter, et l’Europe a eu le courage de reporter l’adoption de ces règles, afin qu’elles soient robustes et efficaces. Nous le savons, en diplomatie, une absence d’accord vaut parfois mieux qu’un mauvais accord.
Cette situation ne nous empêche toutefois pas d’avancer. Tout d’abord, l’accord de Paris est d’ores et déjà effectif. Il est désormais quasi universel, avec la récente ratification de la Russie, sans compter tous les pays qui ont commencé à le mettre en œuvre. Son système d’ambitions croissantes, qui respecte la souveraineté des États, doit nous amener, dès 2020, lors de la COP26 de Glasgow, à présenter des plans nationaux plus ambitieux. La France continuera à agir pour rehausser son ambition, en se plaçant dans le cadre européen.
Nous devons agir plus vite, et ensemble. Comme le disait Valérie Létard, c’est un test de crédibilité, d’efficacité, de souveraineté, donc de réactivité.
Nous le voyons en effet chaque été, avec des canicules plus longues et plus fortes dans nos villes : les Français et les Européens souffrent. Nous voyons des feux de forêt toujours plus étendus, comme le montrent les spectacles apocalyptiques venant dernièrement d’Australie, mais aussi d’Amazonie, de Californie ou de Scandinavie. Nous voyons aussi la fonte des pôles et la réduction des glaciers sur nos montagnes, la récurrence accrue des inondations, l’accroissement de la puissance et des zones d’activité des tempêtes et des typhons, dont souffrent nos territoires d’outre-mer, ou encore la montée des eaux, lente, mais inexorable, qui ronge nos côtes.
Tous les pays du monde sont touchés, et nous devons déjà composer avec des changements majeurs – on le voit notamment dans le secteur agricole.
Le coût économique humain et politique est déjà important, et plus nous retardons nos efforts, qui nous semblent déjà coûteux et difficiles aujourd’hui, plus le prix que nous aurons à payer, non pas dans cent ans, mais dans dix ou quinze ans, s’accroîtra.
Le Conseil européen s’est mis d’accord en décembre dernier sur un objectif de neutralité pour 2050. L’Europe serait ainsi le premier continent neutre en carbone. C’est un succès pour la France et pour le Président de la République, qui souhaitait que nous portions très fermement cette ambition. Je le rappelle, nous étions 3 pays en mars 2019, 8 pays en mai 2019 et 28 pays en décembre 2019 !
Par ailleurs, cet objectif est d’ores et déjà inscrit dans la loi française, et je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, du soutien que vous nous avez apporté.
C’est un succès qu’il convient désormais de consolider, en accompagnant les régions qui seront les plus touchées économiquement et socialement par cette transition écologique, en particulier lorsque leur économie dépend d’industries fortement émettrices, comme les énergies fossiles.
Je tiens également à souligner que ce Conseil européen a accepté de rappeler extrêmement clairement la souveraineté de chaque pays à définir ses choix énergétiques, en faisant mention notamment du nucléaire, sur le fondement de l’article 194 du Traité européen. Cette précision est importante.
Pour réussir, certains d’entre vous l’ont rappelé, la transition doit être juste. Au moment où je vous parle, lors de la séance plénière du Parlement européen à Strasbourg, la Commission européenne est en train de présenter son mécanisme de transition juste, pilier de financement et de crédibilité de son pacte vert.
Une transition juste devra faire l’objet d’un accompagnement économique et social, car nous avons à vivre une transition industrielle et énergétique majeure. Il nous faut donc renforcer les mécanismes existants et accompagner budgétairement les régions économiques les plus touchées. Il reviendra ensuite à ces dernières de définir la meilleure manière de dépenser les sommes qui leur seront allouées et d’accompagner les acteurs économiques les plus concernés.
Telle est la volonté de la France pour le prochain cadre financier pluriannuel, avec comme ambition que 30 % du prochain budget de l’Union européenne soit dédié au climat, et que 10 % soient dédiés à la protection de la biodiversité et à la lutte contre la pollution.
Toutefois, comme vous l’avez souligné très clairement dans l’exposé des motifs de votre résolution, messieurs Husson et Retailleau, cette transition n’a aucun sens si nous nous contentons, pour réaliser une Europe neutre en carbone, de délocaliser nos émissions de gaz à effet de serre, en continuant à importer sans sourciller des biens fortement carbonés.
Le Président de la République a fait de ce sujet un point dur, notamment dans tous les cercles de discussion mondiaux, au G7 comme à l’ONU. Nous devons retrouver de la cohérence et, pour réduire notre empreinte écologique et entraîner une dynamique mondiale de décarbonation de l’économie, poursuivre deux approches complémentaires.
Il nous faut, premièrement, continuer à améliorer nos efforts au sein de l’Union européenne. Au-delà du mécanisme d’inclusion carbone aux frontières sur lequel nous travaillons – j’y reviendrai en détail –, nous avons également pour ambition de réviser en profondeur le fonctionnement du marché des quotas carbone, ou marché ETS, en Europe, notamment en définissant un prix plancher ; nous avons tous en tête, me semble-t-il un prix proche de 25 euros la tonne de CO2…