Intervention de Michel Raison

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Activité des entreprises alimentaires françaises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel RaisonMichel Raison :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen du projet de loi Égalim, le Sénat avait pris une position claire : malgré son scepticisme sur l’efficacité de la loi, il ferait tout pour qu’elle permette au mieux d’améliorer le revenu agricole. C’est dans cette perspective que nous avions proposé la création immédiate d’un groupe de suivi des effets de la loi pour pouvoir au mieux accompagner son déploiement.

Nous avons toujours fait part de nos inquiétudes sur un texte qui nous semblait déséquilibré et qui était loin d’être la loi agricole attendue dans nos campagnes. Comment aurait-il pu l’être, alors qu’il n’agissait que sur les relations contractuelles entre l’agriculteur et ses acheteurs, ce qui représente moins d’un cinquième des recettes de l’agriculteur ? Dans le même temps, la France ne mène pas forcément les combats essentiels sur le budget de la politique agricole commune (PAC) ou sur les exportations alimentaires…

À la lecture de la loi finalement adoptée, nous avions une certitude : elle représenterait une hausse de charges pour les agriculteurs. En échange, le mécanisme du ruissellement contenu dans le texte était loin d’assurer une revalorisation certaine des revenus des agriculteurs en l’absence d’instrument le garantissant. J’ai indiqué à plusieurs reprises que, pour faire ruisseler de l’aval vers l’amont, il fallait une bonne pompe de relevage ! §Tout reposait sur un mot : la confiance entre les acteurs ou, en d’autres termes, la « morale ».

Les premiers résultats des négociations commerciales sur les contrats annuels de 2019 ne nous ont pas démentis : la déflation est toujours présente. Hormis quelques emblématiques contrats laitiers, rien n’a changé !

L’argument selon lequel ces éléments ne sont pas représentatifs, car les textes d’application de la loi n’étaient pas tous en vigueur, est insuffisant. De son côté, la grande distribution a bien récupéré les fruits de la hausse du seuil de revente à perte (SRP), mais plutôt que de les redistribuer par une revalorisation des prix accordée à ses fournisseurs, elle a adapté, comme à chaque fois, son modèle à cette nouvelle donne pour limiter l’augmentation des prix pour le consommateur.

La hausse du SRP aura servi, cette année, à déplacer la guerre des prix. Elle n’est pas terminée sur les produits des grandes marques et s’est intensifiée sur les produits sous marques de distributeurs (MDD) et dans les rayons non alimentaires. C’est seulement à titre résiduel que le SRP a permis de revaloriser quelques contrats laitiers emblématiques.

Cette réalité risque, hélas, de se reproduire en 2020, en dépit de la publication des textes d’application. L’esprit des États généraux de l’alimentation semble assez loin.

Les résultats des négociations commerciales de cette année seront un indicateur important. Disons-le franchement en reprenant vos propres termes, monsieur le ministre : « Si les prix ne remontent pas dans les trois prochains mois, je considérerai que les États généraux de l’alimentation sont un échec ».

Mais d’autres éléments doivent être surveillés : par exemple, nous n’avons aucune information statistique fiable sur les résultats des négociations relatives aux produits MDD. Dès lors, comment mesurer finement les effets de la loi ?

À moyen terme, le groupe de suivi poursuivra ses travaux, mais le rapport d’information que nous avons rendu le 30 octobre dernier a démontré que la loi posait des problèmes à court terme. La présente proposition de loi entend, modestement, en limiter les effets les plus néfastes, en comportant trois mesures d’urgence.

Tout d’abord, la loi Égalim ne réduit en rien l’exposition des industriels de l’agroalimentaire à la volatilité des prix des matières premières sur les marchés mondiaux. Ils sont le plus souvent pris en étau entre une hausse des prix des denrées agricoles payés aux agriculteurs qui suivent les cours mondiaux et un prix de vente au distributeur très difficilement renégociable. La clause de renégociation des prix ne fonctionne pas bien et la loi Égalim n’est pas allée assez loin sur ce point. Les difficiles renégociations qui ont eu lieu en 2019 malgré la flambée du cours du porc, par exemple, l’ont démontré. C’est la compétitivité de nos entreprises qui est en jeu.

L’expérimentation d’une clause de révision des prix uniquement sur les produits les plus exposés est une idée intéressante et mérite d’être menée. Cela fait des années que nous en parlons et j’avais déposé un amendement en ce sens lors de l’examen du projet de loi Égalim. Pourquoi ne pas essayer une telle expérimentation sur quelques produits comme la charcuterie ou les pâtes alimentaires ? C’est le pari que fait l’article 2 de cette proposition de loi.

Un autre problème posé par la loi est l’assimilation d’une relation entre un associé coopérateur et sa coopérative à une relation entre un fournisseur et son client.

Daniel Gremillet en a parlé, les coopératives ne sont pas régies par les mêmes règles que les entreprises privées. Il faut toujours garder à l’esprit cet élément, car les coopératives appartiennent aux agriculteurs ; elles sont le prolongement de leur exploitation et sont, en cela, des acteurs essentiels du monde agricole. Je rappelle aussi qu’une coopérative est une sorte de service public : comme le facteur qui doit distribuer le courrier partout, la coopérative doit ramasser les produits des exploitants partout. Et ce n’est pas parce qu’une coopérative aurait été, un jour ou l’autre, très mal gérée qu’il faut remettre en cause cette organisation et ce statut – si nous avions un mauvais gouvernement, ce qui n’est pas le cas

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