Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi Égalim est l’aboutissement de longs mois de discussions. Elle porte en elle l’espoir de lendemains meilleurs pour des producteurs français en grande détresse. Aussi, dès sa promulgation, fin octobre 2018, le Sénat a souhaité mettre en place un groupe de suivi.
J’ai eu le plaisir de participer, avec mes collègues Daniel Gremillet et Michel Raison, à ces rencontres régulières avec les acteurs économiques.
Au cours de ces entretiens, ces fameux « effets de bord » préjudiciables aux entreprises sont apparus. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à les corriger sans attendre, mais sans pour autant préjuger l’efficacité globale de la loi qui ne pourra être appréhendée qu’à l’issue de la période expérimentale, dans un an.
Les préconisations d’étape sont de trois ordres : l’encadrement des promotions, la clause de révision des prix et le cadre de l’ordonnance sur les coopératives.
Dès le début 2019, la grande distribution, pourtant bénéficiaire de la hausse du SRP, a choisi de baisser les prix sur les produits sous marques de distributeurs, ainsi que sur ceux des rayons non alimentaires, engageant ainsi une nouvelle guerre des prix entre distributeurs.
Quant aux mesures d’encadrement des promotions, elles ont été rapidement contournées, en jouant sur les cagnottes des cartes fidélité et en associant des produits différents.
La grande distribution a ainsi cherché à se reconstituer des marges. À ce stade de la mise en œuvre de la loi, vous-même, monsieur le ministre, vous constatez que le compte n’y est pas. Le fameux relèvement du seuil de revente à perte qui devait donner de nouvelles marges aux industriels pour mieux rémunérer les producteurs, selon la théorie du ruissellement, ne se vérifie pas.
Où sont donc passés les bénéfices de l’inflation et du SRP, pourtant bel et bien payés par les consommateurs ? L’un des grands gagnants de la loi, à ce stade, c’est peut-être aussi l’État, grâce aux recettes supplémentaires de TVA liées au relèvement du SRP.
Le paradoxe de la loi Égalim, que nous souhaitons corriger aujourd’hui, c’est qu’elle pénalise, au final, les entreprises les plus proches des agriculteurs. Ce sont désormais les grandes marques et les MDD qui sont privilégiées dans les linéaires des grandes surfaces.
Les PME alimentaires ne sont plus au cœur de la stratégie des distributeurs. Elles se trouvent reléguées, et leur croissance a brutalement ralenti depuis le début d’année.
En encadrant plus strictement toute promotion, la loi a introduit un biais anticoncurrentiel à leur détriment : elles ne peuvent pas rivaliser avec les budgets marketing des grandes marques. À défaut de diffuser un spot publicitaire à la télévision, elles faisaient, jusqu’alors, des promotions en magasin. La loi les a en partie privées de cet outil. Certaines ont ainsi perdu jusqu’à 50 % de leur chiffre d’affaires depuis le début de l’année dernière.
Pour remédier à ces difficultés, la proposition de loi vise à sortir les produits saisonniers de l’encadrement en volume des promotions, de manière à permettre de mieux écouler les stocks. Elle prévoit d’expérimenter sur les produits charcutiers à forte variabilité une clause de révision automatique des prix, car le cours du porc, en particulier, augmente très rapidement. Autre mesure proposée, revenir à un modèle dans lequel les coopératives agricoles ne sont pas assimilées à des entreprises privées, conformément à la volonté du législateur exprimée dans le cadre du vote des ordonnances.
Monsieur le ministre, l’urgence est bien réelle pour la survie de ces entreprises. Pour ces motifs, le groupe Union Centriste soutiendra cette proposition de loi, tout en souhaitant que les travaux du groupe de suivi ne s’arrêtent pas là et qu’ils reviennent sur les questions du revenu agricole, de la compétitivité des entreprises, du surcroît des charges imposées, de la restauration collective et peut-être et surtout sur le respect de l’article 44, mesure clé de voûte face à la concurrence déloyale de produits qui ne respecte pas les exigences européennes de production et exerce une pression à la baisse sur l’ensemble des produits agricoles en France.