Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à mon tour de féliciter le travail mené depuis l’adoption de la loi par Daniel Gremillet, Michel Raison, Anne-Catherine Loisier, mais aussi tous les membres du groupe de suivi de la commission des affaires économiques.
Ce travail de contrôle de l’application de la loi dès les premiers jours me semble un exemple d’évaluation des politiques publiques. Ce travail, nous le poursuivrons, car nous savons avoir bien d’autres dispositions à examiner.
Nous sommes plus que jamais dans notre rôle institutionnel de contrôle du Gouvernement qui aboutit, si besoin est, à des propositions de modification de cette loi.
Cette action sénatoriale se manifeste aussi, monsieur le ministre, dans le strict respect du champ de l’ordonnance. Le recours accru aux ordonnances opère un dessaisissement inquiétant du Parlement.
Mes chers collègues, 350 ordonnances ont été publiées entre 2012 et 2018. Ce nombre est plus élevé que celui de lois adoptées par le Parlement durant la même période. Je pense que cela doit nous faire réfléchir, car, on le sait, il n’est pas toujours plus rapide de prendre une ordonnance que d’élaborer un projet de loi.
Une fois l’autorisation donnée, les ordonnances entrent en application sans ratification et les instruments de contrôle du Parlement sont limités, y compris si le Gouvernement sort du champ de son habilitation. Ainsi, rappeler au Gouvernement qu’il doit strictement se limiter au champ de l’habilitation qui lui a été accordée par le Parlement au moment de l’adoption de la loi, comme le fait cette proposition de loi, c’est aussi exercer un travail de contrôle parlementaire nécessaire.
Venons-en au bilan de la loi Égalim à ce stade. Vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat a émis très tôt des doutes sur l’efficacité de cette loi, notamment sur le SRP et sur cette fameuse cascade. Mais non, nous n’avons pas voulu détricoter, dans cette proposition de loi, l’ensemble de la loi qui a été adoptée ! En effet, nous voulons, comme vous, aller jusqu’au bout de l’expérimentation et nous voulons prendre le temps, chère Noëlle Rauscent, de mesurer les effets réels de la loi.
Nos auditions et nos déplacements nous ont permis de rencontrer les acteurs de terrain. Ce sont eux les mieux placés pour juger de l’efficacité de la loi. Certaines entreprises accusent des reculs considérables de leur chiffre d’affaires compte tenu de l’encadrement des promotions en volume, monsieur le ministre. Elles ne réclament rien sur l’encadrement en valeur. Ce problème est connu par des transformateurs, des PME, des ETI et des petites filières agricoles dans lesquelles les producteurs sont d’ailleurs justement rémunérés. Et c’est un comble parce que leurs difficultés en termes de volumes vendus vont aller à l’encontre des accords qu’ils ont conclus dans leur filière et alors même qu’ils gagnent de l’argent !
Vous parliez du magret de canard supplémentaire à un euro. Mais ce magret est produit dans une filière qui s’est organisée après le problème sanitaire bien connu dans le Sud-Ouest. Aujourd’hui, il permet de gagner de l’argent eu égard à l’équilibre global réalisé avec les produits résultant des différents morceaux de l’animal : foie gras, magret et confit. Si on ne vend pas en promotion le magret hors périodes habituelles de vente, on déséquilibre l’ensemble de la filière, le prix du canard et les revenus des agriculteurs !
Je suis très étonnée que les syndicats agricoles s’arc-boutent sur ce mécanisme et sur les promotions. Je comprends parfaitement la logique pour ce qui concerne les grandes filières et les grands produits agroalimentaires. Mais cette attitude est en train d’affaiblir les petites filières agroalimentaires dont je suis très surprise que les syndicats agricoles ne prennent pas en compte les difficultés.
Monsieur le ministre, vous nous demandez d’attendre alors que ces PME, ces ETI sont en train de débaucher des salariés ! Je pense en particulier à une entreprise de Pouzauges qui va obtenir des résultats très inquiétants, y compris dans le domaine du porc.
Notre rapporteur proposera, lors de l’examen de l’un des articles du texte, la révision automatique des tarifs. Allez voir ces industriels de l’agroalimentaire ! Affaiblir les entreprises agroalimentaires de transformation, c’est à terme mettre en péril les agriculteurs même s’ils gagnent aujourd’hui plus d’argent avec le cours du porc !
Regardez leurs résultats, comparez avec ceux de l’année dernière, étudiez ceux de cette année et vous verrez que notre expérimentation fait sens et qu’il est vraiment très urgent d’agir. Nous n’avons pas le temps d’attendre !
Ne croyez pas que nous voulons absolument nous battre contre la loi Égalim. Nous voulons que cette loi réussisse, monsieur le ministre, mais nous voulons aussi que nos PME continuent à irriguer les territoires ruraux dans ce beau pays, à Pouzauges, dans cette belle Vendée et dans la région Pays de la Loire. Nous ne sommes pas dans le totem politique.
Vous l’avez vu, la proposition de loi va être soutenue par un grand nombre de groupes politiques. Elle répond à un enjeu assez grave de dynamisation de nos territoires ruraux. J’ai compris que vous êtes défavorable à cette proposition de loi. Réfléchissez de nouveau, écoutez ce qu’on vous dit : vraiment, il y a urgence, avant la fin des négociations, à réviser ces points !