Intervention de Michel Raison

Réunion du 14 janvier 2020 à 14h30
Activité des entreprises alimentaires françaises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel RaisonMichel Raison :

Toutes les interventions vont dans le même sens, malgré une petite dissonance pour ce qui concerne les propos de Noëlle Rauscent, que je remercie néanmoins de la bienveillance de son intervention.

Monsieur le ministre, vous êtes intervenu longuement. Les vertus que vous avez su déployer lorsque nous étions collègues, la qualité de nos échanges, votre façon d’écouter, me permettent d’espérer que vous puissiez changer d’avis. Mme la présidente de la commission des affaires économiques escompte d’ailleurs la même chose.

Vous avez affirmé qu’avant la loi Égalim les prix n’étaient pas négociés. Je vous le rappelle, même avant les quotas laitiers, il existait déjà des négociations interprofessionnelles sur les prix très dures, lesquelles se sont poursuivies une fois les quotas mis en place ; et après les quotas, la LMA, la loi de modernisation de l’agriculture, dont j’avais été le rapporteur, visait à constituer des contrats, lesquels existaient donc avant l’adoption de la loi Égalim.

Certes, la loi Égalim inverse la construction. Même si on introduit dans le contrat une notion de prix de revient, ce dernier ne détermine pas le prix final, qui se fonde essentiellement sur le cours.

Vous avez, monsieur le ministre, bâti votre analyse à partir de réflexions de quelques économistes, que je ne connais pas, mais qui semblent avoir travaillé depuis leur bureau. Pour notre part, nous avons beaucoup auditionné et eu de nombreux contacts, comme en témoignent les coups de téléphone que nous continuons de recevoir. Nous sommes également allés sur le terrain.

Par ailleurs, vous nous avez dit que vous écoutiez les syndicats. Je ne sais pas si tous vos collègues élaborent leurs projets de loi en agissant ainsi. Ce ne serait guère rassurant dans d’autres domaines, comme celui des retraites.

Vous avez par ailleurs justifié votre rejet de cette proposition de loi en soulignant que l’expérimentation s’achevait en 2020.

Pourtant, nous vous proposons de régler un problème grave par une solution très simple, qui ne déstabilise pas l’ensemble de la loi Égalim, puisque seuls certains produits seraient concernés, à la marge et de façon expérimentale.

Permettez-moi de reprendre l’exemple du lapin. Le mécanisme que nous souhaitons instaurer n’aboutit absolument pas à une dévalorisation du produit. La filière – nous avons visité des sites de production en Vendée, premier département producteur de lapins – est organisée, pour que le producteur soit payé à son juste prix. Les promotions se font à certaines périodes de l’année et concernent certains morceaux, mais c’est l’ensemble qui compte. Une telle méthode commerciale est comprise dans le coût global des charges de l’entreprise.

Aujourd’hui, une véritable catastrophe s’abat sur un certain nombre de PME et de TPE. Vous le reconnaissez vous-même, puisque vous nous avez dit avoir accordé des dérogations pour des produits festifs. À ma connaissance, les produits festifs n’ont pas été les seuls concernés, puisque le café, qui est un produit du quotidien, a également bénéficié de cette mesure.

Ces dérogations m’inquiètent, car elles ne sont pas encadrées sur le plan juridique. Par ailleurs, sur quels critères allez-vous les prendre ? Jusqu’à présent, à ma connaissance, il fallait une situation de quasi-cessation de paiement, voire de redressement judiciaire. Or l’entreprise n’est pas seule en cause, puisque, derrière, il y a un fournisseur de matière première. Si le producteur doit stocker ses lapins ou tuer les mères pour qu’elles n’aient plus de petits, c’est une catastrophe !

Mais nous souhaitons surtout que les entreprises en amont ne licencient personne. Or la majorité des entreprises dont nous avons eu au téléphone ou auditionné les représentants ne sont pas en difficulté financière. Toutefois, lorsqu’elles perdent un volume important de vente, elles n’ont pas d’autres solutions que de licencier du personnel.

Monsieur le ministre, cette affaire sérieuse et simple peut être réglée aujourd’hui en quelques minutes. C’est la raison pour laquelle je vous demande de changer d’avis. Les informations que vous a apportées l’ensemble de mes collègues doivent vous permettre de mieux appréhender la situation. Plus tard, lorsque les ennuis surviendront, avec des licenciements voire des dépôts de bilan, les entreprises vous demanderont peut-être comment payer votre propre inaction.

Je vous prie donc de bien vouloir remettre en cause votre analyse, en vous appuyant sur les interventions unanimes et de bon sens que vous avez pu entendre dans cet hémicycle.

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