Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, avant toute chose, je veux remercier le groupe Union Centriste de nous permettre d’affirmer la réalité d’un droit à l’erreur pour les collectivités, de discuter de la pertinence de l’inscrire symboliquement dans la loi et d’analyser les effets de bord éventuels découlant de la situation actuelle ou de l’adoption de ce texte par nos deux assemblées.
La mauvaise foi sur laquelle repose notre droit à l’erreur est l’un de ces mots « caoutchouc » qui abondent dans notre droit positif et qui suscitent des quiproquos sans cesse renaissants et des débats intéressants. Celle-ci est définie par l’article L. 123-1 du code des relations entre le public et l’administration, qui dispose, pour l’essentiel, que la preuve de l’absence de bonne foi doit être rapportée par l’administration, au même titre que pour les manœuvres frauduleuses.
Nous le savons sur ces travées, le droit à l’erreur n’est pas une maigre avancée : c’est une révolution administrative, par l’assouplissement de l’unilatéralité des actes, par l’inversion de la charge de la preuve, par la « subjectivisation » – pardon de ce nouveau mot un peu techno, monsieur le rapporteur – du droit administratif.
Encore une fois, le bon sens semble justifier une extension générale de ce droit de régularisation d’erreurs commises de bonne foi par les collectivités territoriales dans leurs relations avec l’État et les organismes de sécurité sociale, fussent-elles coupables de légèreté. L’inflation normative, le millefeuille administratif et le méli-mélo procédural semblent, en effet, plaider en faveur d’une telle extension. Notre rapporteur a d’ailleurs sécurisé juridiquement cette éventualité par l’apport de quelques rectifications techniques, notamment en autonomisant le droit à l’erreur du code des relations entre le public et l’administration et en élargissant le bénéfice du droit à régularisation à l’ensemble des collectivités territoriales et à leurs groupements.
Un certain nombre d’entre nous reste néanmoins sceptique sur l’apport réel, en pratique, de ce texte, les préoccupations formulées par les auteurs de la proposition de loi semblant avoir été partiellement satisfaites par le principe de rescrit préfectoral, institué par la loi Engagement et proximité. Avant d’adopter un acte susceptible d’être déféré, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent ainsi désormais saisir, en amont, le représentant de l’État compétent pour contrôler la légalité de leurs actes. Ce « conseil de légalité », sous forme d’une prise de position formelle, permettra d’accompagner la mise en œuvre d’une disposition législative ou réglementaire régissant l’exercice de leurs compétences ou les prérogatives dévolues à leurs exécutifs.
Par ailleurs, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent déjà se prévaloir du droit général à la régularisation de leurs erreurs en matière fiscale et sociale, puisqu’ils sont assimilables aux employeurs visés par les dispositions du code de la sécurité sociale lorsqu’ils sont amenés à verser des cotisations à travers des dispositions législatives ou réglementaires particulières. Si l’on suit ce raisonnement, dans la pratique concrète, les collectivités territoriales bénéficient aujourd’hui d’un droit à l’erreur.
Au-delà, il faut s’attaquer aux normes toujours plus nombreuses qui en justifient l’existence. Ce constat fait consensus, car l’officialisation du droit à l’erreur n’éteint pas la défiance liée à la complexité des règles à suivre, pas plus qu’elle ne clarifie un processus décisionnel aussi centralisé et normalisé, en raison de la multiplication des normes qui désarme des collectivités sans compétence juridique suffisante.
Le droit à l’erreur est, bien sûr, une mesure palliative à l’inflation des normes, qui est notre première préoccupation. La prudence de Portalis trouve tout son écho s’agissant de simplification.
Ces réserves étant exprimées, le groupe La République En Marche ne souhaite pas s’opposer…