Pour jouer à plein leur rôle d'incitation, les collectivités et leurs groupements doivent pouvoir s'appuyer sur un partenariat effectif et solide avec l'État.
Nous nous sommes rendus en Autriche : le budget des neuf Länder autrichiens dépasse les 34 milliards d'euros pour une population de seulement 8,7 millions d'habitants, alors que le budget français des régions n'est que de 32 milliards d'euros pour 63 millions d'habitants. Les moyens des collectivités françaises ne leur permettant pas de tout faire, l'État doit les aider et faire jouer, en leur faveur, la solidarité nationale.
Dans un rapport de 2016, nos collègues Éric Doligé et Marie-Françoise Perol-Dumont avaient relevé trois obstacles à l'efficacité des administrations déconcentrées dans leurs relations avec les collectivités : l'insuffisante cohérence de l'État déconcentré ; la contradiction entre l'affaiblissement progressif des services déconcentrés et la propension intacte de l'État à toucher à tout ; ainsi que l'éloignement et le désengagement de l'État, avec notamment la fermeture de services publics.
La situation décrite en 2016 s'est aggravée et l'État central doit mieux prendre en compte les territoires ruraux dans la définition de ses politiques - la parenthèse non refermée des « gilets jaunes » nous l'a rappelé. L'État doit devenir plus facilitateur que contrôleur. Enfin, l'État doit garantir un socle minimal de services dans les territoires. Le soutien aux territoires ruraux est une composante de la solidarité nationale, qui doit permettre de renforcer l'investissement et de moderniser ces territoires.
Il nous paraît d'abord indispensable de garantir une vision intégrée et interministérielle du soutien et de l'accompagnement des territoires ruraux : nous proposons de désigner, auprès de chaque ministre, un haut fonctionnaire aux ruralités.
Ces territoires ont aussi besoin d'une programmation pluriannuelle de moyen et long terme, par exemple via un programme budgétaire spécifique au sein de la mission « Cohésion des territoires » et, éventuellement, la présentation par le Gouvernement d'un projet de loi d'orientation budgétaire pour les territoires ruraux.
Pour établir cette programmation, nous avons besoin d'une meilleure connaissance de la situation des territoires ruraux et de leurs apports à la société ; il nous manque un observatoire des territoires ruraux, qui nous permettrait aussi d'observer les interactions entre territoires ruraux et urbains.
Nous suggérons la mise en place, dans les programmes des écoles du service public, de modules obligatoires sur les ruralités ainsi qu'un stage obligatoire en territoire rural.
Nous sommes convaincus que l'ANCT, à elle-seule, ne sera pas en mesure de faire évoluer les choses en matière d'ingénierie territoriale. Nous avançons donc deux propositions concrètes : pour les missions ponctuelles d'ingénierie, des référents territoriaux seraient choisis dans chaque corps d'inspection et de contrôle de l'État, afin d'intervenir au bénéfice des territoires ruraux ; pour des missions d'ingénierie plus lourdes, seraient constituées, dans chaque région, des plateformes territoriales mutualisées d'aide à l'ingénierie, formées de membres des corps de contrôle de l'État et pouvant être saisies par les collectivités territoriales ou par l'ANCT.