Mesdames, Messieurs, chers collègues, je voudrais tout d'abord remercier nos invités d'être venus jusqu'à nous pour cette réunion dédiée au thème de la lutte contre les violences au sein des couples. C'est un thème d'actualité, mais si l'on en parle beaucoup en ce moment, on avance à petits pas dans ce domaine...
Je vous souhaite donc la bienvenue dans cette salle qui fut la chapelle de la Chambre des Pairs puis du Sénat du Second Empire. Nous nous situons, bien sûr, dans le contexte antérieur à la loi de 1905 !
Sous la IIIe République, cette salle fut le cadre de réunions préparatoires à l'élection du Président de la République, alors élu par les deux assemblées parlementaires. Nous nous trouvons donc dans un lieu chargé d'histoire !
S'il est courant que l'on reçoive les institutions que vous représentez, Mesdames et Messieurs, lorsque le Parlement débat de sujets concernant la famille ou la bioéthique, il me semble que cette réunion est sans précédent.
Pourtant, par les contacts privilégiés que vous entretenez avec de nombreuses personnes, hommes et femmes, de générations très diverses, il m'a semblé important de vous entendre réagir sur le sujet des violences au sein des couples, un fléau qui, mes collègues et moi en sommes convaincus, n'est ni une question de milieu, ni une question de culture.
Le Sénat, du reste, a déjà eu une initiative pionnière comparable en organisant en mai 2015, en marge de la COP 21, avec la Conférence des responsables de cultes en France dont certains d'entre vous font partie, un colloque sur Le climat : quels enjeux pour les religions ?
Hier, 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le Gouvernement a annoncé des mesures pour accélérer la lutte contre ce fléau dont la prise de conscience a été encouragée, entre autres évolutions favorables, par le décompte glaçant des « féminicides », régulièrement publié dans la presse à l'initiative de militantes, ce qui a eu le mérite de généraliser la prise de conscience d'un fléau que l'euphémisme de « crime passionnel » a longtemps conduit à sous-évaluer.
Depuis le début du mois de septembre, des groupes de travail se sont réunis sous l'égide du Grenelle de lutte contre les violences conjugales constitué par le Gouvernement. L'objectif était de contribuer à traquer les défaillances de la chaîne judiciaire, à identifier les bonnes pratiques et les mesures à adopter pour mettre un terme à ces violences qui font plus de 120 victimes par an, sans compter les enfants.
Ce Grenelle concerne les politiques publiques : réponse pénale, accueil et orientation des victimes, hébergement d'urgence, formation des professionnels de la police, de la gendarmerie et de la magistrature...
Notre délégation travaille depuis de nombreuses années sur ces violences. Nous sommes particulièrement engagés dans la défense des enfants qui, il faut en être conscients, sont des victimes et pas seulement des témoins des violences au sein des couples. Nous estimons que ce constat justifie une interrogation sur le maintien de l'autorité parentale du parent violent. Nous sommes persuadés, ici, au sein de la délégation, qu'un père violent, un conjoint violent, ne peut pas être un bon parent.
Parmi nos autres points de vigilance, je veux citer aussi la vulnérabilité particulière des femmes handicapées et la situation dans les outre-mer.
Certaines des pistes formulées dans le cadre du Grenelle rejoignent d'ailleurs des recommandations identifiées par la délégation. Mais si l'on veut venir à bout de ces violences révoltantes, les politiques publiques ne suffiront pas. Les outils mis en place par le législateur, malgré leur utilité, ne doivent pas être considérés comme autant de « baguettes magiques » capables à elles seules de mettre fin aux violences conjugales.
Car, j'en suis convaincue, une mobilisation de la société tout entière dans tous les territoires, dans la durée et dans tous les secteurs professionnels, est nécessaire pour lutter contre ce fléau. C'est notre responsabilité d'élus, de parents, de citoyens, d'enseignants, de médecins, de voisins, d'amis, de collègues...
Cette réunion vise donc à poursuivre nos réflexions sur les violences conjugales avec les représentants des cultes et des courants philosophiques qui peuvent jouer un rôle non négligeable dans divers aspects de cette lutte, qu'il s'agisse :
- de favoriser auprès des jeunes le plus tôt possible une culture de l'égalité entre filles et garçons, car l'égalité est le prérequis de la lutte contre les violences ;
- d'aider les victimes, et peut-être d'intervenir auprès des auteurs de violences ;
- de contribuer à la prise de conscience de la gravité de ces violences, par-delà le respect de la vie privée et l'attachement à la cellule familiale.
L'ordre d'intervention qui vous a initialement été indiqué a été modifié pour permettre à M. le grand rabbin de nous quitter pour se rendre à une cérémonie en hommage à nos militaires morts au Mali. Tout à l'heure, à l'ouverture de la séance, le président Gérard Larcher a rendu un hommage poignant aux victimes, parmi lesquelles se trouve le fils d'un de nos collègues. Notre assemblée est très affectée par ce drame.
Je me tourne donc vers nos invités, dans l'ordre de leurs interventions :
- François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France et de la Conférence des responsables des cultes en France, créée en 2010. Le président François Clavairoly est accompagné de Valérie Duval-Poujol, théologienne, docteure en histoire des religions et spécialiste des questions de traduction de la Bible.
Valérie Duval-Poujol a participé à la table ronde organisée par notre délégation le 14 janvier 2016, dans un contexte très marqué par les attentats de 2015. Cette table ronde dédiée à l'importance de l'égalité entre femmes et hommes dans la lutte contre les extrémismes religieux a beaucoup marqué celles et ceux qui y avaient assisté ;
- Odile Leperre-Verrier, ancienne députée européenne, interviendra pour le Grand Orient de France (GODF) ;
- Haïm Korsia, grand rabbin de France ;
- Brigitte Cabrolier, vice-présidente de la Grande Loge Féminine de France (GLFF), accompagnée de Brigitte Nabet, et de Jeannine Camilleri, respectivement présidente et vice-présidente de la Commission nationale des Droit des femmes de la GLFF ;
- Monseigneur Dominique Blanchet, évêque de Belfort-Montbéliard, vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), et Oranne de Mautort, directrice adjointe et responsable du Pôle famille au sein du Service national Famille et société de la CEF, accompagnés de Grégoire Catta, directeur national du Service national Famille et société ;
- Viviane Villatte, première vice-présidente de la Fédération française du Droit humain (FFDH), accompagné de Sylvain Zeghni ;
- Razvan Ionescu, prêtre, qui représente le Métropolite Joseph, et Andrea Ionescu, de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF).
Je précise que nous avons sollicité tous les cultes, mais que des contraintes d'agendas ont pu empêcher certains de nous rejoindre aujourd'hui. Le président du Conseil français du culte musulman nous a adressé à l'instant sa contribution écrite à cette table ronde, et je l'en remercie.
Je rappelle aussi que, pour la sérénité de nos échanges, cette réunion n'est ni ouverte au public, ni enregistrée en vidéo.
Je vais maintenant donner la parole alternativement à des représentants des cultes et à des représentants des courants philosophiques, en rappelant à chacune et chacun d'entre vous la nécessité de respecter le temps de parole qui vous a été indiqué, de façon à laisser un peu de temps au débat et aux interventions.
Nous allons, si vous le voulez bien, commencer par le président de la Fédération Protestante de France et par Valérie Duval-Poujol. Vous avez la parole.