Le lien avec ma prise de parole est naturel, puisque le docteur Mukwege est protestant, évangélique, de l'Église du Congo, et c'est à ce titre aussi que nous l'invitons à la Mairie de Paris dans le cadre d'une laïcité « décontractée », ouverte, intelligente, telle que chacun d'entre nous essaie de la promouvoir en tant que responsable de culte, avec les autres responsables de cultes ici présents.
Je suis accompagné de Valérie Duval-Poujol, vice-présidente de la Fédération Protestante de France. C'est aussi une joie de l'avoir avec moi sur ce sujet qui lui tient à coeur depuis de nombreuses années.
Vous l'entendrez de façon plus précise dans les minutes qui nous sont imparties. J'aimerais juste introduire les propos de Valérie Duval-Poujol dans le cadre du protestantisme de manière générale et du protestantisme français en particulier, pour rappeler deux ou trois points d'histoire.
Depuis le grand mouvement de la Réforme, un processus de civilisation qui concerne l'ensemble des pays de cette planète, la « pointe fine » du message protestant a été précisément l'égalité homme-femme, avec une réalisation sur laquelle je voudrais insister : l'accès à l'éducation et à l'enseignement proposé aux filles et aux jeunes filles, dès le début, sous l'impulsion de Martin Luther qui a mis en place les premières écoles de filles dans son pays. De proche en proche, cette initiative s'est étendue à l'ensemble des pays touchés par le protestantisme.
Le deuxième point que je voulais rappeler se situe au XIXe siècle, avec cette dynamique portée par les femmes protestantes - avec les hommes et parfois contre eux - concernant leurs prises de parole, leur responsabilité et leur citoyenneté, à travers des mouvements qui ont agi parfois de manière indirecte et, si je puis dire, selon les méthodes protestantes, c'est-à-dire dans la discrétion. Ces mouvements étaient animés de l'idée d'une coresponsabilité dans la citoyenneté, à la fois au plan public et au plan ecclésial. Cela a conduit, sur le plan ecclésial, à la prise de parole et à la prédication avec des femmes pasteurs, des femmes qui prêchent, qui prennent des responsabilités dans l'Église.
Le troisième point concerne le XXe siècle, avec une attention particulière aux droits des femmes : le droit de vote et la citoyenneté, le droit à préserver leur vie personnelle et leur vie conjugale et, de manière générale, le fait qu'elles soient sujets de droit. On pourrait dire, avec le philosophe Olivier Abel, que si l'Orient a inventé le mariage, avec les alliances traditionnelles entre familles, l'Occident - l'Occident chrétien protestant en particulier, protestant réformé ou luthérien - a inventé le divorce. Cela signifie la possibilité, au nom de la liberté du sujet et au nom de l'individu, qui veut se trouver libre lorsque sa vie est menacée, de se disjoindre de l'époux. Le divorce intervient dans un contexte de violence où la femme peut, au nom de la liberté, de la revendication de son droit, se tenir droite, se tenir libre, et revendiquer le divorce.
C'est un paradoxe, mais c'est ainsi que la foi chrétienne, dans la tradition protestante, invente la liberté d'être libre, autonome, lorsque la violence fait obstacle à la liberté d'être soi-même.
Ce processus nous mène à la période actuelle, au XXIe siècle, avec la revendication des femmes de vivre libérées de toutes violences, verbales, psychologiques ou physiques.
Les Églises protestantes se sont saisies des questions des violences, que nous abordons aujourd'hui avec beaucoup de sérieux. Je laisse immédiatement la parole à Valérie Duval-Poujol.