Intervention de Haïm Korsia

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 26 novembre 2019 : 1ère réunion
Table ronde sur les violences conjugales avec des représentants des cultes et des courants philosophiques

Haïm Korsia, grand rabbin de France :

Je voudrais d'abord vous remercier très sincèrement de nous offrir la possibilité de nous exprimer, et d'exprimer notre préoccupation collective, chacune, chacun avec ses convictions, dans leurs différences, sur une problématique aussi douloureuse que celle de la violence dans les familles, et plus particulièrement les violences envers les femmes. Je reprends ce qui a été remarquablement dit auparavant sur le travail à accomplir, y compris à l'intérieur de nos cultes, de nos obédiences.

Il y a parfois, trop souvent, dans nos milieux, une sorte de compréhension, d'excuse. Vous le disiez très justement, l'expression de crime passionnel, insupportable parce qu'elle est fausse, vise à excuser cette violence.

La seule référence à un crime passionnel revient à chercher une explication à cette violence : c'est donc déjà l'excuser. Et c'est terrifiant, parce que ce qui mène à la mort ne peut être de l'amour.

Je crois que la société doit apprendre à reformuler des locutions qui nous viennent à l'esprit automatiquement. Le simple fait de parler de crime passionnel avec circonstances atténuantes peut signifier : « c'est terrible, mais ça peut se comprendre ». Une sorte de réprobation collective devrait bannir cette forme de compréhension des violences conjugales.

Si je vous parle de ça, c'est que j'ai lancé à l'intérieur du judaïsme un mouvement contre une autre forme de violence faite aux femmes, qui se manifeste par la difficulté pour certaines femmes d'obtenir l'acte de divorce religieux qu'on appelle le Guett. L'objectif n'est pas de transformer les règles s'appliquant à la délivrance du Guett, mais d'abaisser collectivement le seuil de tolérance à l'égard de ceux qui font obstacle à cette procédure.

Quand on entend parler d'un homme qui refuse de donner le Guett à son ex-épouse, on se dit que c'est inadmissible. Mais quand il s'agit d'un frère ou d'un cousin, on lui trouve toujours des excuses : « Oui, mais vous ne savez pas ce qu'elle lui a fait », ou alors « Oui, mais elle ne veut pas lui confier l'enfant », etc.

Je me bats donc avec une détermination sans limite contre ces refus. J'ai réussi à faire en sorte que des maris récalcitrants puissent être convaincus de délivrer ce document. Je pense à un cas en particulier : l'homme en question a été privé de son passeport pendant vingt-quatre jours en Israël, ce qui lui a permis de mieux comprendre les choses et de donner enfin ce document à son ex-épouse.

Finalement, ce qui importe, c'est l'engagement collectif. Et si personne ne trouve d'excuse à quelqu'un de violent, alors on pourra vraiment engager un combat de chaque instant contre ce fléau.

Je reviens sur ce que disait la présidente en introduction sur l'autorité parentale. Je suis absolument d'accord : quelqu'un qui frappe son conjoint est inapte à être parent. On entend parfois cette phrase terrible : « Oui, c'est un violent, il est terrible, mais vous savez, c'est un bon père ! ». Non, un conjoint violent n'est pas un bon père : sans même s'en rendre compte, il va transmettre à ses enfants le rejet, le dénigrement de leur mère.

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