Je vous remercie de votre invitation. Nous sommes honorés et heureux de participer à votre réunion au nom de l'AEOF, l'Assemblée des évêques orthodoxes de France.
Je vais revenir sur la violence conjugale, mais permettez-moi de commencer en faisant un petit peu de théologie pour mieux situer mes propos du côté de la confession chrétienne orthodoxe.
C'est en essayant de répondre à la question fondamentale pour la foi authentique : comment, et en qui crois-tu, chrétien orthodoxe ? « que surgit devant notre intérieur, presque involontairement, l'image de la Mère de Dieu. Le premier don du Christ, la première, la plus profonde révélation de son enseignement et de son appel nous sont offerts à travers l'image d'une femme. Pourquoi serait-ce aussi réconfortant, consolant et salvateur ? ». Car « Dans ce monde où règnent l'orgueil et l'agressivité », où « tout est réduit aux instruments de pouvoir, de domination, à la production, et aux moyens de production, à la compétition, à la violence, au refus de faire des concessions, de se réconcilier, de faire silence, de s'abîmer dans les profondeurs paisibles de l'existence, c'est précisément à tout cela que s'oppose une image, qui vient tout démasquer par sa seule présence »8(*), dit le théologien Alexandre Schmemann. Cette image, c'est celle de Marie, la mère du Christ, qui constitue la référence absolue de la vision de la femme pour l'Église orthodoxe. C'est le modèle féminin, car elle vit son humanité et sa féminité au niveau le plus élevé.
Ce fait se reflète aussi sur la position de la femme au sein du couple, marié et béni par Dieu : une présence vocationnelle, d'épouse et de mère.
Toutefois, dit un autre théologien orthodoxe, Paul Evdokimov, « Ce qu'une femme est appelée à faire dans le monde n'est pas [seulement] une coopération d'efforts ou de coopération pragmatiquement utiles et justifiées, mais la création ensemble avec l'homme de la toute nouvelle réalité du masculin et du féminin formant le corps du sacerdoce royal. [...] Ainsi, l'unité de la vie conjugale n'est pas une unité fermée sur le terrestre, mais déjà l'UN ouvert sur le siècle futur et qui dépasse les conditions de ce monde »9(*).
De même, pour Saint Jean Chrysostome, « Le mariage est l'image non pas de quelque chose de terrestre, mais du céleste, il figure le Royaume de Dieu, et seule sa présence par anticipation le justifie ».
La femme, bibliquement, n'est donc pas une aide-servante, mais un vis-à-vis ; face au fils de Dieu se pose la fille de Dieu ; l'un complète l'autre ; « Dans le Seigneur, dit Paul, ni l'homme sans la femme, ni la femme sans l'homme »10(*).
Or la violence contre la femme est la négation absolue de cette noble vocation. Comme vous l'avez dit ici, il n'y a pas d'amour qui tue. Il n'y a pas d'appel à la sainteté qui passe par la violence contre celui qui est appelé. Le don de la liberté présuppose un engagement personnel, voulu.
Il n'y a donc aucune forme de cautionnement de la violence conjugale dans l'orthodoxie. La femme ne peut être forcée en rien, elle doit être portée par la noblesse du vécu de son époux vers son accomplissement en tant que partenaire sur le chemin de la vie et éventuellement en tant que mère de ses enfants.
Ainsi l'Église orthodoxe s'implique activement, à travers toute sa mission, dans l'éradication de la violence conjugale. Consciente de la souffrance que de tels cas engendrent dans le couple et la société, et notamment des traumas parfois irréversibles causés aux enfants, l'Église orthodoxe s'engage à oeuvrer de pair avec les autres organismes et institutions pour mieux enseigner, éduquer, informer, conseiller, soutenir, encourager l'entente des couples, hommes et femmes égaux, et combattre la violence conjugale au sein de nos communautés de fidèles et de toute la société.
Nous vous savons gré et vous félicitons pour tout votre travail dans le cadre de cette délégation du Sénat et nous vous remercions encore une fois de nous avoir conviés à cette table ronde.