Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Agnès Buzyn :

Quel impact sur les couples qui feront les tests ou, au contraire, qui ne les feront pas ? Quel impact sur la diversité génétique de notre espèce ?

On peut tirer le fil pour toutes ces mesures. Mais une chose est certaine : le généticien ne doit pas se substituer à la Pythie grecque que l’on interrogeait pour connaître son avenir ; des examens médicaux ne sauraient devenir des oracles parce que la vie n’est jamais réductible à une prédiction, aussi scientifique soit-elle.

C’est pourquoi nous sommes convaincus que le temps est à la recherche pour mieux comprendre l’impact des différentes mutations et leurs conséquences en termes de prévention, de soins et de société.

Dans le champ du dépistage préimplantatoire des aneuploïdies, qui sont une anomalie du nombre de chromosomes, comme les trisomies, l’objectif peut paraître louable : il est d’améliorer l’efficacité des fécondations in vitro en évitant le transfert des embryons non viables, et donc capables de générer des fausses couches. Mais, sur le plan scientifique et médical, l’efficacité de la technique est discutée et il est indispensable de poursuivre les recherches avant de modifier la loi. D’ailleurs, un projet de recherche a été sélectionné et sera financé, dès 2020, dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique.

Au-delà de l’objectif d’amélioration de la procréation médicalement assistée, il ne faut pas occulter le débat : l’enjeu, une fois la technique autorisée, sera également la réimplantation ou non d’embryons viables, mais présentant des anomalies génétiques.

Pour moi, les risques sont réels et les bénéfices incertains. Si nous soutenons l’effort et l’essor de la médecine génomique dans un cadre médical et sécurisé, le Gouvernement n’est pas favorable à une libéralisation de l’accès aux tests génétiques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous alerte, enfin, sur les tests généalogiques dits « récréatifs ».

Les tests généalogiques exposent à une multitude de risques peu connus, mais qui constituent une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs. Si l’objectif est de rechercher d’éventuelles proximités de parenté, cela a un impact sur d’autres membres de la famille, qui n’y ont donc pas consenti.

La démarche des sociétés qui proposent ces tests n’est pas philanthropique : elle est d’abord commerciale, et la généalogie est le plus souvent un cheval de Troie qui ouvre la voie au dépistage génétique à visée médicale dont je parlais à l’instant.

Face à vous, je serai déterminée. Ces sujets ne laissent pas indifférents, ces sujets nous obligent à un débat parlementaire exigeant, serein et apaisé.

Nous avons fait le choix, non d’engager la procédure accélérée, mais bien de laisser à chacun, dans chacune des chambres, le temps de débattre et de modifier le texte.

De la même manière, le Gouvernement prend acte des modifications qui sont intervenues en commission spéciale. Certaines posent des questions techniques, d’autres plus politiques. Nous avons souhaité déposer des amendements sur les seuls éléments que nous considérons comme des lignes rouges à ne pas franchir pour garantir l’équilibre du projet de loi.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, un grand projet collectif nous attend : le projet d’une société en phase avec elle-même, d’une société qui reconnaît des droits nouveaux, sans rien céder aux principes qui nous lient les uns aux autres.

Dans les prochaines semaines, vous serez des artisans et des garants : les artisans d’un droit qui s’adapte à la France et aux Français du XIXe siècle, les garants d’un projet qui protège et qui émancipe. C’est ce projet collectif qui nous réunit aujourd’hui.

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