Intervention de Olivier Henno

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Olivier HennoOlivier Henno :

Cette citation, je la fais mienne, car c’est ce que j’ai ressenti tout au long d’auditions au cours desquelles nous avons, je le crois, rencontré l’excellence française. Ces auditions m’ont marqué, notamment celles des professeurs Mattei, Frydman et Nisand.

La bioéthique à la française a ceci de particulier qu’elle n’est pas la seule affaire des médecins et des juristes : c’est aussi l’affaire des philosophes et des citoyens. Il s’agit d’aborder l’avenir pour humaniser les progrès scientifiques, et non d’avoir peur de cet avenir.

C’est empreinte de ces doutes et de cette humilité, tâtonnant vers la connaissance, que notre commission spéciale a travaillé. Il lui a semblé que ce projet de loi, pour ce qui concerne un certain nombre de dispositions, n’a pas toujours adapté le droit à l’évolution des connaissances scientifiques et techniques en matière de génétique.

Évidemment, ne nous leurrons pas : l’interdiction des tests génétiques en accès libre sur internet est aujourd’hui purement virtuelle.

Plus d’un million de Français ont déjà eu recours à ces tests sans avoir aucune garantie que leurs droits étaient protégés. Voilà la réalité ! Leurs données sont librement conservées et utilisées par des sociétés commerciales, qui en tirent profit en monnayant leurs bases de données auprès de laboratoires pharmaceutiques. Des informations médicales sont communiquées sans aucun accompagnement professionnel digne de ce nom, alors même que les personnes recourant aux tests génétiques sur internet le font essentiellement à des fins généalogiques.

Interdire par principe sans savoir véritablement interdire a-t-il du sens ? Ne vaut-il mieux pas encadrer ? N’est-ce pas cela la bioéthique à la française : encadrer et humaniser plutôt qu’interdire ?

La commission spéciale a pris ses responsabilités. Elle a posé les bases d’un encadrement strict des examens génétiques à visée généalogique, en interdisant la transmission d’informations médicales et en introduisant des garde-fous dans le traitement de données aussi sensibles que les informations génétiques.

Suivant les recommandations du CCNE, elle a aussi ouvert la voie à un accès aux examens génétiques en population générale et dans le cadre du dépistage préconceptionnel. Le Gouvernement gardera la possibilité d’établir une liste d’anomalies génétiques « actionnables » pour lesquelles des mesures de prévention ou de soins sont envisageables.

S’agissant des embryons chimériques, je partage l’analyse de ma collègue Corinne Imbert. Il convient de poser des limites claires à ce type d’expérimentation pour prévenir tout risque de franchissement de la barrière des espèces, tout en préservant l’excellence de nos équipes de recherche.

Enfin, concernant le développement de l’intelligence artificielle, qui constitue également un sujet de première importance, le projet de loi crée opportunément un cadre juridique pour l’utilisation d’un traitement algorithmique lors de la réalisation d’un acte médical. La commission spéciale a renforcé les garanties applicables à l’utilisation de ces technologies, en prévoyant que le patient soit informé en amont de l’utilisation d’un traitement algorithmique et qu’aucune décision médicale ne puisse exclusivement se fonder sur un tel traitement.

Mes chers collègues, « améliorer la vie sans la bouleverser » : cet objectif résume assez bien le travail de notre commission spéciale et de son président, qui, je le crois, honore notre institution.

1 commentaire :

Le 11/07/2022 à 21:25, aristide a dit :

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"La bioéthique à la française a ceci de particulier qu’elle n’est pas la seule affaire des médecins et des juristes : c’est aussi l’affaire des philosophes et des citoyens."

Tu parles, les citoyens ont le droit de se taire surtout

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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