Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une chose est sûre : ce texte échappe aux classifications routinières !

Sylviane Agacinski, Michel Onfray, Alexis Escudero, mais aussi José Bové, Marie-Jo Bonnet et d’autres encore ne viennent pas de la même planète politique que la mienne. Ils ont néanmoins un point commun : ils s’opposent tous à la disposition emblématique de ce texte. Tous !

C’est le signe que quelque chose de fondamental se joue ici : un affrontement, un choc.

Cet affrontement n’oppose pas la droite et la gauche, encore moins ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas. C’est un choc entre deux modèles : le modèle anglo-saxon ultralibéral, qui se mondialise, et le modèle français, notre modèle, qui se banalise.

Toujours, mes chers collègues, nous avons donné la première place à la dignité, qui, comme le Conseil d’État l’a écrit dans son avis, figure au frontispice de tout l’édifice juridique de la bioéthique. La dignité, c’est-à-dire la fragilité. La fragilité, donc la fraternité !

Le modèle ultralibéral anglo-saxon, quant à lui, préfère à la loi le contrat, à la dignité la liberté personnelle. Quand nous voulons à tout prix la fraternité des cœurs, il ferme les yeux, souvent, trop souvent, sur la marchandisation des corps. Quand nous proclamons la solidarité à l’égard des plus faibles, nos devoirs vis-à-vis d’eux, lui n’a pas peur de réaffirmer – sans complexe – la loi du plus fort, autrement dit la loi des adultes.

C’est un autre modèle que le nôtre, un modèle antinomique, à la polarité complètement inversée. Pourtant, madame la ministre, je crois profondément que ce texte constitue une nouvelle étape dans l’alignement de notre modèle sur celui que je viens de décrire.

On trouve plusieurs raisons derrière cela. Certaines sont de l’ordre de la conviction – convictions d’ailleurs respectables.

Mais d’autres logiques, aussi, sont à l’œuvre, comme des logiques idéologiques, militantes, « terranoviennes », consistant à faire des clins d’œil aux minorités – des logiques progressistes, le progressisme consistant, si j’ai bien compris, à maximiser les possibles, donc à déconstruire progressivement les limites.

La logique sans doute la plus majoritaire est la logique compassionnelle. Il y a tant de souffrances à soulager, tant de désirs à combler, quelles qu’en soient, malheureusement, les conséquences ! C’est ce que Max Weber, d’ailleurs, appelait le « paradoxe des conséquences ».

Peut-être existe-t-il une autre logique, une logique encore plus implacable…

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