Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique. C’est l’aboutissement de nombreux débats et de nombreux travaux qui ont eu lieu à travers toute la France.

On vient de le rappeler : depuis 1994, nous, parlementaires, sommes amenés à inscrire dans la loi la façon dont la société entend encadrer les pratiques médicales et la recherche sur la vie.

L’enjeu est de taille : trouver un point d’équilibre pour mieux soigner, pour ne pas freiner les innovations scientifiques, tout en veillant à protéger le plus précieux, notre humanité. Tel est notre rôle, et il n’est pas simple.

Ne perdons pas de vue que, quotidiennement, des équipes de soignantes et de soignants ainsi que des équipes de chercheurs s’attachent à prendre les meilleures décisions dans le respect des grands principes bioéthiques : tout d’abord, l’autonomie du patient et le respect de sa décision ; ensuite, la non-malfaisance, pilier de la pratique médicale depuis Hippocrate, et son pendant, la bienfaisance, qui vise le mieux-être du patient et du plus grand nombre ; enfin, la justice, qui place la décision prise au regard des conséquences sur la société dans son ensemble, principe qui fait appel à la solidarité, par exemple pour la prise en charge financière et l’égalité devant l’accès aux soins.

C’est dans la controverse argumentaire que se forgent les décisions éthiques. Je ne doute pas que nos débats en séance publique seront respectueux, comme ils l’ont été au sein de la commission spéciale. Ils seront nourris de ces controverses, car l’enjeu du présent texte mérite toute notre attention, au-delà des clivages politiques.

J’ouvre une parenthèse pour rappeler que, selon les socialistes, les premiers articles de ce projet de loi ne contiennent pas de nouveauté en matière de bioéthique. L’ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules de l’assistance médicale à la procréation va jalonner le long chemin vers l’égalité ; elle ne présente rien d’innovant sur le plan de la réflexion éthique. En revanche, elle traduit de grandes avancées sur le plan de l’égalité entre toutes les femmes et constitue une nouvelle étape du droit des femmes à disposer de leur corps.

Au-delà, ce texte de loi se doit de répondre aux nouvelles questions éthiques. Je prendrai deux exemples.

Premièrement, la recherche sur le génome et les tests génétiques ont progressé, et nécessitent d’être encadrés : le consentement à ces examens génétiques devra être recueilli et la communication de résultats ne s’effectuera que sous couvert de prévention ou de soins.

Deuxièmement, dans le cas de fécondations in vitro, des diagnostics anténataux permettent aujourd’hui de détecter d’éventuelles maladies génétiques avant de procéder à l’implantation de l’embryon. Les socialistes proposeront, à titre expérimental, de diagnostiquer d’éventuelles aneuploïdies, anomalies portant sur le nombre de chromosomes, qui, pour certaines, aboutissent à des fausses couches évitables. Sans cette détection, les tentatives d’implantation peuvent être poursuivies en vain : les chances de succès de la grossesse n’augmentent pas. En vertu de la bienfaisance envers les parents engagés dans ce projet parental, il nous semble pertinent d’expérimenter cette technique, conformément aux souhaits formulés par les gynécologues auditionnés.

Par ces techniques innovantes et leur pratique ainsi clairement encadrée, nous estimons pouvoir écarter les fantasmes qui ont cours et dissiper les craintes qu’expriment parfois nos citoyennes et concitoyens.

Génétique, recherche embryonnaire : lorsque ces sujets sont évoqués, que ce soit pendant nos débats en commission ou dans les médias, certains disent redouter des dérives eugénistes. Il n’en est absolument pas question. D’immenses précautions sont prises pour écarter les risques de discrimination, de sélection d’embryons avant la grossesse ou encore de modification génomique sans but thérapeutique.

La bioéthique porte sur les sciences de la vie et de la santé. Elle nous rappelle que l’éthique s’enracine dans des activités concrètes, au fondement de la vie, de la médecine et du soin, pour sauver des vies humaines menacées et fragiles, pour lutter contre la maladie et contre la mort.

Comme le dit Jacqueline Mandelbaum, ancienne membre du Comité consultatif national d’éthique, la bioéthique est là pour « réfléchir ensemble, prendre du champ, du temps, jeter le doute dans la mare de nos certitudes, ne jamais oublier l’autre, l’humain, caché derrière le mirage technologique ou la force du désir ».

Chers collègues, dans les jours à venir, nous allons confronter nos visions, nos convictions, nos certitudes. Aiguillonnés par les attentes de nos concitoyennes et de nos concitoyens, nourris de nos doutes et de nos espoirs, nous allons ouvrir l’éventail de la pratique médicale et de la recherche biologique. Nous allons aussi fixer des limites, tracer des frontières et ainsi contribuer à définir l’espace où se loge l’humanité, dans la promesse infinie de la technologie. Soyons à la hauteur !

1 commentaire :

Le 12/07/2022 à 16:20, aristide a dit :

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" L’ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules de l’assistance médicale à la procréation va jalonner le long chemin vers l’égalité ; "

De quelle égalité s'agit-il ? Vous discriminez honteusement et abusivement les hommes...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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