Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

En effet, son caractère bioéthique apparaît quelque peu discutable. Quoi qu’il en soit, demain, avec l’adoption de ce texte, notre législation dira : le cadre familial peut être multiple et nous reconnaissons l’entité familiale dans cette multiplicité, le mythe de la famille idéale ne résistant d’ailleurs à aucune étude.

C’est en prenant acte de cette même réalité que le droit à la filiation évolue aujourd’hui, même si, selon nous, la reconnaissance conjointe anticipée devrait être étendue à tous les couples ayant recours à l’AMP, et non seulement aux couples de même sexe. Les deux régimes différents que défend le Gouvernement ne se justifient pas. Nous proposerons des amendements en conséquence.

Le texte issu de la commission spéciale est globalement satisfaisant en matière de procréation ; mais d’autres avancées importantes sont aussi à souligner.

Dans le cadre du triptyque constitué par les principes de dignité, de liberté et de solidarité, un encadrement éthique a été fixé pour plusieurs évolutions techniques et technologiques.

Je pense à l’intelligence artificielle, avec la consécration du principe d’une garantie humaine dans l’interprétation des résultats en cas d’utilisation d’un algorithme et l’encadrement du recours à l’enregistrement de l’activité cérébrale.

Je pense également au renforcement du consentement et de l’information concernant les découvertes incidentes lors de tests génétiques, ainsi qu’à la précision du champ d’application du diagnostic prénatal.

De même, l’encadrement du don fait l’objet d’avancées notables. En particulier, on réaffirme que tout don provenant du corps humain – organes, cellules, tissus – s’effectue en toute gratuité. De surcroît, le don croisé d’organes est renforcé.

Néanmoins, certaines dispositions m’interpellent quant au modèle de société que nous souhaitons pour demain. L’article 2, qui a pour objet l’autorisation d’autoconservation de gamètes, me semble à cet égard très parlant. Cette autorisation paraît pertinente à certains égards, mais les dérives possibles sont telles que le texte apporte cette précision : une telle autoconservation ne peut être engagée sous la pression d’un tiers, notamment l’employeur.

Au lieu de multiplier les précautions, ne serait-il pas plus judicieux de réfléchir aux moyens que nous devrions déployer pour la mise en œuvre d’une véritable politique familiale ? §Ne vaudrait-il pas mieux réfléchir aux facteurs environnementaux qui affectent la fertilité ? C’est également la science qui a provoqué la pollution environnementale que nous connaissons.

Dans un monde toujours plus pollué, dans lequel nous travaillerons, demain, de plus en plus longtemps – c’est en tout cas ce qu’envisage le Gouvernement avec la réforme des retraites –, l’on nous propose de repousser nos limites naturelles en conservant l’option, surtout pour les femmes, de faire un bébé « en temps et en heure », ou plutôt dans une fenêtre spatio-temporelle qui relèvera non plus de la biologie humaine, mais des impératifs sociétaux et libéraux.

Ma réflexion va un peu loin, mais il me semble nécessaire de la pousser ainsi, d’autant que, lors des travaux de la commission spéciale, j’ai noté que les établissements de santé à but lucratif ont été systématiquement ajoutés aux articles ad hoc, sous couvert – comme toujours – de carence du public. Or, précisément, c’est aussi pour des questions éthiques que toutes ces pratiques devraient rester dans le giron du secteur public !

Enfin, selon la même logique, les dispositions les plus problématiques dans cette version du texte sont, selon nous, les articles abordant la question de la recherche sur les embryons.

Encore interdite en 1994, en vertu des premières lois de bioéthique, la recherche sur embryons humains est aujourd’hui proposée dans un cadre très large. Elle répond non plus forcément à des buts médicaux, mais à un souci de connaissance biologique.

Selon nous – notre groupe est unanime sur ce point –, le plus inquiétant dans ce projet de loi, c’est la levée de l’interdiction absolue de la transgénèse et des chimères.

À l’instar de certains intellectuels et scientifiques, je m’interroge : pourquoi lever cette interdiction ? En encadrant les expérimentations impliquant la création d’embryons chimériques par l’adjonction de cellules souches pluripotentes humaines à un embryon animal, la commission spéciale du Sénat autorise, de fait, la pratique. Or l’inquiétude est forte quant au risque de franchissement de la barrière des espèces.

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