Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Article 1er

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Les évolutions rapides des techniques médicales posent des questions qui expriment un conflit entre les diverses représentations du vivant : quelle attitude adopter devant certaines innovations technologiques ? Qu’autoriser ? Qu’interdire ? Que contrôler ?

Telles sont les questions que soulève ce projet de loi relatif à la bioéthique, à commencer par son volet concernant l’ouverture de l’aide médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules.

Aujourd’hui, l’AMP est réservée aux seuls couples hétérosexuels, mariés ou non, souffrant d’infertilité pathologique ou présentant un risque de transmission d’une maladie génétique grave ; 24 000 enfants naissent ainsi chaque année. Avec ce projet de loi, la demande d’AMP s’inscrit dans une revendication de liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques pour répondre à un désir d’enfant. Elle fait émerger d’autres questions, telles que celles des conséquences d’une ouverture du dispositif sur la relation des enfants à leurs origines ou de la rareté actuelle des dons de gamètes.

Chaque année, entre 2 000 et 4 000 femmes ont recours à l’AMP à l’étranger. Nous ne sommes donc pas devant un changement de civilisation ; ces familles existent déjà. Comme souvent, la pratique a devancé le droit et les représentations symboliques.

Qu’est-ce qu’une famille aujourd’hui ? Cette question cristallise un certain nombre de tensions. Certains considèrent qu’il faut protéger l’enfant de l’absence de père, que c’est par un rapport sexuel entre un homme et une femme que l’on engendre un enfant, que, dès lors, la famille se compose « d’un papa et d’une maman ».

C’est, d’abord, faire peu de cas des familles monoparentales, qui représentent un quart des familles françaises. Le modèle classique des parents mariés qui élèvent les enfants qu’ils ont eus ensemble n’est plus majoritaire en France, soulignait l’Insee dans une étude publiée mardi dernier.

C’est, ensuite, un préjugé. La filiation est un fait social et culturel, et non une vérité biologique. C’est cette vérité sociale qui fonde l’humanité, avec ses réussites, ses failles, ses faiblesses. Je ne crois pas en une éthique de la nature identifiant la morale au naturel. Nous pouvons fonder la filiation sur une base plus solide que la seule procréation : procréer est un acte biologique ; être parent est un acte social, affectif, institutionnel. Ainsi, l’ouverture du droit à l’AMP mettrait fin à une forme de discrimination : toute femme pourrait envisager de devenir parent, indépendamment de sa situation maritale et de son orientation sexuelle.

Il y a là une avancée sociale majeure. Vous l’aurez compris, mes chers collègues : je voterai avec conviction l’article 1er.

1 commentaire :

Le 11/07/2022 à 10:29, aristide a dit :

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"Ainsi, l’ouverture du droit à l’AMP mettrait fin à une forme de discrimination : toute femme pourrait envisager de devenir parent, indépendamment de sa situation maritale et de son orientation sexuelle."

C'est l'homme seul qui est discriminé, puisqu'il ne peut pas devenir parent tout seul. La PMA pour toutes est totalement inégalitaire, comment se fait-il que le conseil constitutionnel n'ait pas bronché ? Il est sans doute aux ordres des lobbys, comme l'essentiel de la classe politique. Heureusement que Macron a perdu sa majorité à l'AN, c'est un bien pour la démocratie.

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