Intervention de Pierre-Yves Collombat

Réunion du 21 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Article 1er

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Ce qui est techniquement possible n’est pas forcément souhaitable. Transformer, fût-ce potentiellement, l’enfant en produit marchand pas plus qu’épuiser la Terre ne sont des progrès au sens où l’entendaient les Lumières et où l’entend encore aujourd’hui le sens commun !

Erreur, m’objectera-t-on : ce nouveau droit à l’enfant est gratuit, puisqu’il est fondé sur le don de gamètes ou d’embryons. Sauf qu’une telle mutation ne sera gratuite ni pour la société – au moment même où la prédication officielle est à la réduction des dépenses sociales, voir l’état pitoyable du système hospitalier –, ni finalement pour les bénéficiaires. Elle sera en revanche lucrative pour les praticiens, pour la technostructure du back-office, pour les détenteurs de brevets et, plus encore, pour les investisseurs, qui voient là un nouveau champ fertile de profits.

Comme le souligne Céline Lafontaine dans Le Corps-marché, « l’envers du don », c’est le « biocapital ». Non seulement la rhétorique du don n’a pas empêché le développement d’un important marché du sang humain, des cellules souches, des tissus et des organes à l’échelle internationale, mais elle camoufle, selon cet auteur, « les processus de commercialisation des cellules reproductives sur lesquelles s’appuie l’industrie de la reproduction assistée ».

Pour elle, c’est la procréation assistée qui incarne le mieux ce processus de biomécanisation du vivant, « dans la mesure où il ne s’agit pas d’une médecine curative, mais bien d’une médecine méliorative, qui a pour but de dépasser les limites des corps infertiles ».

En d’autres temps, on s’étonnerait que, au nom du progrès et des droits – ici, le droit inavoué à l’enfant, reconnaissons-le –, de la liberté et de l’égalité, une telle fuite vers l’inconnu mercantile reçoive le soutien de l’ensemble de l’échiquier politique !

J’ai bien conscience que cet amendement a peu de chance d’être voté, même par les adversaires brevetés du néolibéralisme – comprenne qui pourra !

1 commentaire :

Le 11/07/2022 à 11:20, aristide a dit :

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"Ce qui est techniquement possible n’est pas forcément souhaitable."

Mais si, "science sans conscience" est le nouveau credo du gouvernement... Ce que science peut, Dieu le veut, et donc le gouvernement (qui se prend trop souvent pour l'incarnation de Dieu sur terre) le veut aussi...

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