Je ne peux répondre que succinctement à d'aussi nombreuses questions, qui demandent chacune des développements.
Nous avons recouvré la taxe GAFA en 2019. Le Gouvernement vient d'annoncer qu'il acceptait que l'acompte dû en avril de cette année ne soit pas versé, pour le cas où, d'ici à la fin de l'année, une solution serait trouvée dans le cadre de l'OCDE. Il ne s'agit donc nullement d'un renoncement, mais d'un geste de bonne volonté pour que la négociation prévue s'engage sous les meilleurs auspices. Vous l'avez dit, plusieurs pays européens ont des projets similaires à notre taxe, en particulier l'Italie et l'Autriche - le mieux serait effectivement un dispositif à l'échelle de l'OCDE ou de l'Union européenne.
L'inclusion numérique est une question essentielle. Sur les 13 millions de Français qui ont des difficultés à utiliser le numérique, on considère que 6 millions au moins peuvent être formés, tandis que les autres en resteront trop éloignés, du fait soit de leur âge, soit d'autres difficultés. Il faut donc, en plus de la formation, prévoir des solutions hors du numérique. Le Gouvernement sera au rendez-vous. Cependant, je l'ai constaté à Saint-Omer et à Amiens en visitant des lieux de médiation numérique - il y en a environ 5 000 en France -, la question n'est pas que financière : certains m'ont dit qu'ils ne sauraient pas nécessairement quoi faire de moyens supplémentaires, que l'action devait être plus large. De fait, la formation au numérique et à son usage est très large, elle intéresse un grand nombre d'acteurs, bien au-delà de l'État, des collectivités locales et des associations. Nous avons d'importants outils, comme le pass numérique ou la Médnum, mais il faut que, collectivement, nous poursuivions nos efforts.
Les investisseurs institutionnels s'orientent très peu vers la technologie, cette frilosité est un non-sens économique. C'est pourquoi nous les avons réunis et convaincus d'investir 3 milliards d'euros dans des « gros tickets » pour favoriser la croissance d'entreprises technologiques et 3 milliards d'euros dans des investissements boursiers, pour faire en sorte que ces entreprises aillent en bourse. Ces investissements feront l'objet d'un suivi très précis, nous espérons amorcer un mouvement plus large pour que les investisseurs institutionnels s'orientent bien davantage vers les entreprises technologiques.
Sur la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, notre volonté d'agir d'abord au niveau français se justifie par la différence entre, d'une part l'ambition d'agir de façon systémique et, d'autre part, celle d'agir sur un sujet particulier, d'urgence et d'ordre régalien. J'espère que nous aurons également un accord européen sur ce point. Nous avions créé les conditions d'un accord en commission mixte paritaire, lequel n'a malheureusement pas été trouvé ; je le regrette, d'autant que nous avions largement amodié la question du délit pénal, en précisant la notion d'intentionnalité et en excluant la peine de prison. Du reste, le délit pénal existe déjà dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique.
La question de la reprise de l'entreprise Kosc n'entre effectivement pas dans mes attributions, mais je crois pouvoir dire que nous avons bon espoir qu'un repreneur s'engage dans les conditions requises. Nous ferons tout pour maintenir la concurrence et les emplois. J'ai moins d'inquiétude sur ce dossier que sur d'autres.
Sur la reconnaissance faciale, je pense qu'il faut une phase de tests puis une phase de débats publics. Nous avons besoin d'un débat public pour trancher entre l'intérêt d'un tel dispositif et les risques qu'il présente. Nous le devons aux Français, c'est aussi une question touchant à notre démocratie.
Sur la dématérialisation des marchés publics, le Gouvernement est sensible aux difficultés rencontrées ; des solutions de mutualisation sont possibles, entre collectivités et avec l'État ; il faut aussi simplifier les procédures avec l'outil numérique.
Les ateliers d'écoute que j'ai mis en place consistent à mettre autour de la table des usagers et l'administration pour examiner très précisément, à partir de situations concrètes, comment fonctionnent les sites des services publics, pour apprécier les difficultés pratiques de la dématérialisation.
Je vous ai déjà répondu sur la recherche : l'effort du Gouvernement pour la recherche est tout simplement historique, il faut le reconnaitre.
Bien des commerces n'ont effectivement pas de visibilité suffisante sur internet, alors que c'est une question de survie ! Ce constat recouvre en partie celui de l'exclusion numérique, car ce sont souvent les petits commerçants ou les artisans qui peinent à utiliser les outils numériques. Il faut que ces entreprises aillent davantage vers le numérique, nous y travaillons via l'initiative France Num. Nous devons lier cette initiative à celles sur l'inclusion numérique.
La formation aux métiers du numérique est au coeur du pacte productif voulu par Bruno Le Maire : 200 000 emplois sont à créer d'ici à 2022, l'Éducation nationale va généraliser des cours de sciences numériques dès l'an prochain ; il faut continuer dans ce sens.
La stratégie nationale pour l'intelligence artificielle se déploie, 300 thèses sont soutenues, la mobilisation de 1,5 milliard d'euros en cinq ans représente un effort très significatif, même si cela ne suffira pas. Notre pays se hisse parmi les cinq premiers de l'OCDE en la matière, c'est important, quoique nous soyons très loin des tout premiers.
Je vous remercie de soutenir les dotations à Bpifrance, le Gouvernement n'a aucune intention de les diminuer et nous avons même, dans le dernier budget, introduit le plafonnement du remboursement à la sécurité sociale des exonérations de cotisations bénéficiant aux jeunes entreprises innovantes (JEI), ce qui a permis dans l'exécution d'augmenter les dotations.
Le commissaire européen Thierry Breton fera des annonces importantes la semaine prochaine sur la conservation des données. L'Europe se mobilise face à l'extraterritorialité du droit américain sur le cloud, des négociations sont en cours pour parvenir à un même ensemble de règles pour le continent européen, seule façon de se faire entendre par nos partenaires d'outre-Atlantique.
Sur les fake news, nous avons surestimé la maturité démocratique de notre société, en pensant que l'accès à toutes les connaissances sur internet apporterait du savoir à la société, c'est faux. La question des fake news se règlera sur le long terme, par l'éducation et la formation. Sur internet, il ne suffit pas de montrer qu'un fait est faux, erroné, pour que l'on soit cru. Ce phénomène est lié à une perte de légitimité des institutions en général, ce qui pose un problème démocratique, d'autant que ce domaine est particulièrement difficile à réglementer...
Sur le programme French Tech 120, nous n'avons pas choisi les entreprises, nous les avons retenues en fonction de critères publics - un critère de levées de fonds, et un autre de chiffres d'affaires -, qui ont vocation à être actualisés, en ajoutant la contrainte que chaque région soit représentée dans l'échantillon par au moins deux entreprises, ce qui n'a d'ailleurs pas été difficile à trouver. Ce programme d'accompagnement sera suivi par toutes les administrations concernées, pour faciliter la vie des entreprises, c'est l'intérêt de notre économie.
M. Gay a tort de dire que nous n'accompagnons pas les entreprises en difficulté et que nous ne faisons rien : c'est le quotidien de mon cabinet que d'accompagner et de trouver des solutions en matière de paiement d'impôts, de cotisations sociales.
La protection de l'enfance est un sujet essentiel. En moyenne, un enfant voit une vidéo pornographique à l'âge de 11 ans : c'est une violence faite aux enfants. Il y va de la responsabilité des parents, mais pas seulement : il faut leur donner accès à des outils de contrôle parental, sa généralisation est notre priorité ; nous voulons simplifier et perfectionner ces outils. Nous communiquerons sur le sujet dans les jours qui viennent : nous donnerons six mois pour généraliser le contrôle parental, et si les opérateurs ne font pas davantage, nous passerons par la loi. À ce stade, nous comptons sur la bonne volonté des acteurs. C'est d'ailleurs dans leur intérêt, ne serait-ce que pour leur image.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.