Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 22 janvier 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 1er

Nicole Belloubet :

Je veux simplement compléter rapidement les propos d’Agnès Buzyn sur le plan juridique.

Je ne me place ni du point de vue de la douleur évidemment ressentie par les femmes qui vivent de telles situations ni du point de vue médical.

Autoriser la PMA post mortem entraînerait deux difficultés juridiques, qui ne seraient pas nécessairement insurmontables, mais qui poseraient néanmoins de sérieux problèmes.

La première difficulté concernerait la filiation. Qui dit AMP, dit consentement à l’AMP. Toutefois, ce consentement du père défunt et de la mère n’emporte pas filiation. Or, par définition, l’enfant naîtra après le délai des 300 jours durant lesquels la présomption de paternité liée à la reconnaissance anticipée reste valide. Il faudrait donc imaginer un autre système de filiation, ce qui serait tout de même assez complexe à mettre en œuvre, même si le droit n’est qu’un outil.

La seconde difficulté serait liée à la succession. Aux termes du code civil, pour hériter, il faut exister au moment de l’ouverture de la succession. Il faudrait donc modifier l’article 725 dudit code pour inclure, parmi les héritiers, l’enfant à naître, alors même que l’embryon ne serait pas implanté au moment du décès. Là encore, l’obstacle n’est sans doute pas infranchissable, mais le problème reste complexe.

Il faudrait aussi modifier les textes relatifs à la capacité de recevoir par testament ou donation. En l’état actuel, on ne peut léguer ou donner à une personne qui n’est pas encore conçue.

Le règlement de la succession serait retardé de plusieurs années. Il serait de plus soumis à plusieurs aléas : la décision de la mère de réaliser ou non l’implantation, au terme d’un délai que vous souhaitez voir compris entre six et dix-huit mois après le décès, le succès de l’AMP, comme l’a souligné Agnès Buzyn, et enfin la viabilité de l’enfant au moment de la naissance. Rien n’est impossible en droit, mais ce serait tout de même une véritable difficulté.

Ces raisons juridiques confortent l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements.

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