Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du 22 janvier 2020 à 15h00
Bioéthique — Article 1er

Agnès Buzyn :

Je ne reviendrai évidemment pas sur l’argumentaire développé. Peut-être la discussion d’aujourd’hui augure-t-elle des débats que nous allons avoir sur quantité d’autres thèmes.

Il s’agit de faire la balance entre la liberté accordée à quelques-uns, confrontés à des situations dramatiques et que nous souhaitons aider, et la protection des plus vulnérables. Il nous revient de mettre au point une législation permettant d’éviter des glissements ou des dérives qui vont rendre les plus vulnérables dans l’incapacité de résister à un mouvement. Et nous verrons, en examinant différentes mesures, à quel point il faut toujours mettre en balance des situations de vulnérabilité par rapport à un choix individuel et à des choix de société.

Lorsque l’on évoque les cas individuels, on ne peut qu’être en faveur de cette liberté offerte, on ne peut que respecter ce choix, cette autonomie, qui a été relevée, notamment par Mme Rossignol.

D’abord, je ne nie pas l’autonomie des femmes. Mais toutes les femmes n’ont pas le même degré d’autonomie dans notre société. La PMA n’est pas réservée à certains milieux socioculturels où l’autonomie est très élevée. Des femmes en situation de grande précarité peuvent demander la PMA pour des raisons d’infertilité.

Toutefois, je veux souligner la limite de l’autonomie quand la personne est en situation de deuil, qu’elle est vulnérable, subissant ce déséquilibre que provoque le deuil dans les familles. Nous le savons tous pour l’avoir vécu autour de nous, un deuil induit des choses particulières. C’est cela que je vous appelle à prendre en compte quand j’évoque le risque de pression que pourront subir certaines femmes.

Je veux maintenant revenir sur deux arguments.

Pour ce qui concerne l’injustice, que vous avez évoquée, madame Cohen, je le répète, traiter séparément les embryons et les spermatozoïdes signifie traiter différemment des femmes dont l’infertilité a des causes différentes.

Je le constate bien, l’embryon relève de l’intime, d’où l’amendement de Mme Procaccia.

En réalité, l’injustice vise non pas le fait de ne pas avoir le droit d’accéder aux gamètes ou à un embryon, mais la mort de l’un des membres du couple qui désirait un enfant et n’a pas pu mener à bien une PMA et, d’une façon générale, la mort du conjoint qui entraîne la fin du projet parental commun. Je rappelle par ailleurs que la grande majorité des couples français n’ont pas recours à la PMA.

Le second argument est celui de la liberté du consentement. Je m’interroge sur le cadrage de l’amendement de Mme Procaccia, qui est censé être protecteur. On parle d’un consentement librement établi dans un couple qui a élaboré un projet parental, un couple qui s’inscrit dans la vie et dans l’avenir et qui réfléchit à ce qui se passerait en cas de décès. Quel homme au seuil de la mort ne donnerait pas son consentement ?

En contrepartie, quelle est la liberté de la femme qui, six mois après, porte ce poids d’un consentement prétendument librement accordé mais qui est intervenu à un moment de vie, qui était le temps de la projection, celui où le couple se projetait dans l’avenir ? Je pense que cet amendement n’est pas protecteur des femmes, car, pour moi, il induit une obligation.

Je le répète, l’injustice, c’est la mort survenue dans un couple jeune, qui était dans un désir d’enfant, ce qui est le quotidien de nombreux couples.

Au cours de tous les raisonnements que je tiendrai pour défendre ce projet de loi, je me placerai toujours du côté de la vulnérabilité.

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