La question posée est celle de l’opportunité d’encadrer spécifiquement la conservation des cellules pouvant être prélevées chez un patient en phase précoce de maladie, pour le cas où ces cellules lui seraient, plus tard, lorsque sa maladie aura atteint un stade plus avancé, nécessaires pour préparer un médicament de thérapie innovante. Cette proposition est justifiée par le fait que ce type de traitement innovant intervient généralement après d’autres lignes de traitement, lesquelles ont pu altérer les cellules du patient. Dans ce contexte, elle s’inspire de ce qui est prévu pour l’autoconservation des gamètes, lorsque des traitements susceptibles d’altérer la fertilité sont mis en œuvre.
Une société savante internationale travaillant dans le domaine des thérapies géniques et cellulaires a exprimé, au travers d’un avis datant du mois d’août dernier, des réserves quant à la cryoconservation – la conservation par congélation – des lymphocytes T, notamment, en vue d’une utilisation thérapeutique ultérieure. Or cet avis a justement été émis en plein essor de ce qu’on appelle les CAR-T cells, c’est-à-dire des cellules permettant une thérapie génique fondée sur les lymphocytes T d’un patient, que l’on modifie génétiquement afin de leur apprendre à reconnaître et à tuer des cellules cancéreuses.
D’un point de vue scientifique, je ne suis pas certaine de l’intérêt de prélever des cellules en phase précoce d’une maladie maligne, et ce pour plusieurs raisons.
L’une des prochaines indications envisagées pour les CAR-T cells est, par exemple, le myélome. Or, dans cette maladie, il y a lymphopénie, c’est-à-dire un très faible nombre de lymphocytes T. On le voit bien, dans ce cas-là, un prélèvement précoce poserait question.
En outre, la technique utilisée aujourd’hui pour le prélèvement de ces cellules pourrait s’avérer inopérante avec la technique qui sera utilisée demain, car nous sommes en pleine phase d’expansion de la recherche ; la production des CAR-T cells évolue en permanence, et les cellules prélevées pourraient finalement ne pas l’avoir été correctement ou ne pas trouver de finalité thérapeutique.
Par ailleurs, une telle disposition conduirait à des prélèvements conservatoires pour tout un tas de pathologies, sans tenir compte de l’impact organisationnel important que cela aurait, alors que la finalité thérapeutique pour le patient ne peut pas être avérée au moment du prélèvement.
Enfin, cela a été dit par le rapporteur, l’article L. 1241-1 du code de la santé publique conditionne le prélèvement des tissus ou des cellules à une finalité avérée. Cela signifie que les dispositions législatives actuelles n’empêchent, à ce jour, ni le prélèvement ni la conservation de cellules d’un patient, si le protocole thérapeutique est dûment justifié et accepté par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), lors de l’évaluation du dossier d’autorisation de médicaments de thérapie innovante préparée pour le patient.
Ainsi, selon les professionnels et les représentants des sociétés savantes, cette pratique pourrait, à ce jour, se révéler inutile, coûteuse et, in fine, sans intérêt pour les patients. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.