Intervention de Frédéric Bordage

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 29 janvier 2020 à 9h30
Table ronde relative à l'empreinte carbone du numérique

Frédéric Bordage, fondateur et animateur de Green IT.fr :

On collecte très peu nos déchets : en 2017, nous avons collecté seulement 45,1 % de nos déchets liés à nos équipements électriques et électroniques. La France fait pourtant partie des pays les plus en pointe au niveau international... On recycle peu, mais aussi très mal. Pour récupérer l'or d'un micro-processeur, il faut utiliser de l'acide chlorhydrique et du cyanure, recourir à des électrolyses et à des opérations dans des hauts-fourneaux ! Les procédés sont lourds et ne sont pas très bons pour l'environnement non plus. Le recyclage n'est donc pas une solution. En France, on est organisé pour traiter les déchets, en aval, pas pour prévenir leur constitution, en amont. Plus que le recyclage, il conviendrait de privilégier le réemploi, s'assurer que les équipements auront une seconde vie avant d'être recyclés.

Les opérateurs promettent des smartphones à un euro ou à un prix promotionnel en échange d'un engagement de 24 mois. Cela explique pourquoi la durée de vie moyenne d'un téléphone est de 24 mois. Si les offres étaient conditionnées à un réengagement pour trois ans, la durée de vie des appareils passerait à trois ans ! Nous proposons d'interdire ce genre de modèle économique délétère pour l'environnement, car le consommateur a l'impression de payer son téléphone à son juste coût par son abonnement, ou alors d'imposer la prise en compte du coût total de possession ou l'affichage du prix de revient global du dispositif.

Nous sommes aussi favorables à la consigne obligatoire, car nous disposons d'un formidable gisement d'équipements qui peuvent être remis en état et reconditionnés pour être réemployés. Encore faut-il les collecter, créer des filières de collecte ! Pourquoi ne pas mettre en place une incitation financière, sous la forme d'un surcoût qui freinerait les achats compulsifs, tout en encourageant à rapporter un équipement lorsqu'il fonctionne encore pour récupérer la valeur de la consigne et permettre, en même temps, son réemploi ? Cela serait bon pour l'économie et l'environnement.

La dématérialisation n'est qu'un transfert d'un support papier vers un support numérique. C'est donc un transfert de pollution ! Faut-il aussi généraliser le numérique lorsque les études montrent que l'on apprend mieux à penser en apprenant à lire et écrire avec un stylo et du papier ? Il importe de prendre en compte aussi les enjeux sanitaires et éducatifs.

Sur les jeux vidéo, j'ai réalisé la seule étude au niveau mondial sur l'analyse du cycle de vie en analyse comparative multi-critères selon le standard international ISO 14044. Le développement du streaming de jeux sur plateformes aura un impact délétère à cause de « l'effet rebond », car ceux qui ne jouaient pas avant vont pouvoir jouer, et l'impact du jeu va s'accroitre.

Les smart cities sont des illusions ! Comment allons-nous fabriquer les équipements numériques nécessaires, les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les écrans, les capteurs, etc., avec les stocks de minerais dont on dispose ? Le décalage est ahurissant entre les réserves en minerais et les promesses d'un monde hyper-intelligent, hyper-connecté, hyper-numérisé.

La fibre est une très bonne solution car les photons consomment très peu d'énergie et n'émettent pas de rayonnement électro-magnétique.

Enfin, j'ai proposé aussi dans notre livre blanc Numérique et Environnement, il y a deux ans, de développer l'éducation et la formation au numérique à l'école, de fournir des kits d'information aux enseignants, élaborés sur des bases indépendantes et impartiales. Malheureusement, le seul ministère avec lequel on n'arrive pas à discuter est le ministère de l'éducation nationale. On risque de transformer les digital natives, la génération des enfants actuellement à l'école, en analphabètes du numérique responsable ! Je regrette que le ministère ne réponde pas à ces propositions.

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