Intervention de Benoît Lombrière

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 30 janvier 2020 : 1ère réunion
Audition de Mm. Benoît Lombrière délégué général adjoint emmanuel detter consultant senior thomas ledwige consultant eurodom

Benoît Lombrière, délégué général adjoint de l'association Eurodom :

Je vous remercie de nous recevoir. Les travaux de délégation sénatoriale aux outre-mer représentent un apport essentiel à l'écosystème ultramarin, à Paris comme à Bruxelles. Ses rapports, notamment ceux sur le sucre et sur les normes, ont souvent été déterminants. Vous avez su trouver votre place dans un jeu complexe, où l'exécutif a largement la main, grâce à vos qualités diplomatiques et à vos analyses particulièrement fouillées.

Je suis accompagné par trois membres de mon équipe - Emmanuel Detter, Thomas Ledwige et Maeva Brunfaut - qui seront en mesure de vous apporter des informations détaillées.

Le principal défi auquel nous nous trouvons confrontés est celui de la gestion post Brexit de l'Union européenne. La sortie de la Grande-Bretagne sera effective demain, après le vote hier du Parlement européen. Dès lors, le budget de l'Union européenne se trouve amputé de 12 milliards d'euros par an, avec des conséquences sur les politiques européennes traditionnelles comme sur les aides aux RUP. M. Younous Omarjee, que vous avez cité, a raison : les politiques régionales, essentielles aux RUP, risquent d'être les premières concernées. Lorsque la Martinique souhaite quitter la politique renforcée, un branle-bas de combat intervient pour qu'elle y reste, preuve de l'importance du dispositif. Les RUP seront également concernées par la réduction annoncée de 5 % du budget de la politique agricole commune (PAC). Il s'agit d'un sujet de préoccupation majeur pour ces territoires à l'économie principalement agricole. De fait, le tourisme, l'emploi public dans les collectivités territoriales, les services déconcentrés, les hôpitaux et la grande distribution n'y représentent qu'une part minoritaire de l'économie.

Or, l'Union européenne, privée d'une partie de ses recettes, doit également faire face à de nouveaux défis - l'immigration et la défense notamment - et répondre à des préoccupations sociétales renforcées en matière d'écologie et de développement durable. Il y a moins d'argent disponible et toujours plus de priorités... Quelle place occuperont les RUP dans les négociations à venir ?

Par ailleurs, des évolutions sont intervenues dans l'organisation de la Commission européenne. Ainsi, la direction générale de la concurrence sera désormais chargée de l'instruction des dossiers d'aides d'État, qui concernent majoritairement, s'agissant de la France, les secteurs de l'agriculture et de la pêche. Auparavant, la tâche en était confiée aux directions générales compétentes sur les secteurs concernés. Dès lors, la logique de développement des territoires sera-t-elle toujours prise en compte dans la décision européenne ? Il s'agit également d'un sujet de préoccupation pour les RUP. Même si le transfert du personnel, au sein de la direction générale de la concurrence chargée de l'instruction des dossiers, est prévu, afin d'éviter les pertes de compétence, il conviendra de rester vigilant.

Eurodom est une association créée il y a une trentaine d'années, pour défendre la production locale dans les départements ultramarins français, espagnols et portugais. L'association occupe une place à part dans l'écosystème ultramarin : elle fait le lien entre les acteurs du développement local et les institutions communautaires, notamment sur des questions relatives à la nécessaire adaptation des normes agricoles aux caractéristiques géographiques et climatiques des territoires. Le dialogue, déjà compliqué avec des fonctionnaires français, auxquels il faut rappeler qu'il y a aussi une France tropicale ou océanique et que les normes agricoles, industrielles sur le plan du développement durable, en matière des risques climatiques doivent tenir compte de la réalité du terrain, n'est pas toujours simple à Bruxelles.

Notre mission nécessite la recherche permanente d'équilibre et une reconnaissance de notre rôle de la part de nos partenaires à Bruxelles. Nous avons contribué avec succès à la définition du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Poséi), au dispositif d'aide à la banane, à la réforme de l'octroi de mer et à la politique de soutien à la pêche. En France particulièrement, le passage de l'idée politique à sa présentation devant la Commission européenne est complexe, comme si nous souffrions, à Bruxelles, d'une forme de complexe national.

Une action peut-être moins timide et plus résolue de nos autorités nationales permettrait d'ouvrir le dialogue avec Bruxelles, conduisant à des politiques mieux adaptées aux départements d'outre-mer.

Cette réticence à passer de l'idée nationale à la concrétisation communautaire se double parfois d'une hésitation sur le modèle de développement souhaité pour ces départements. Les autorités françaises n'essuient que rarement des refus de Bruxelles. Bruxelles autorise et encourage la structuration des filières. Mais le manque d'assurance français sur le modèle de développement se traduit par un peu de fébrilité dans la négociation. Bruxelles est un partenaire, pas un juge du bien-fondé des politiques qui lui sont soumises.

Le renouvellement de certaines aides devra être demandé d'ici à la fin de l'année 2020, notamment le budget du Poséi, l'aide de 38 millions d'euros pour la filière sucre, le régime fiscal du rhum, l'octroi de mer, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), le Règlement général d'exemption par catégorie (RGEC) qui avait créé des tensions entre les professionnels, l'exécutif et Bruxelles ou encore l'ensemble des instruments de la politique régionale.

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