Intervention de Mohamed Louizi

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 29 janvier 2020 à 16h35
Audition de M. Mohamed Louizi essayiste

Mohamed Louizi, essayiste :

J'ai quitté les Frères musulmans principalement en raison d'une rupture idéologique et du concept de non-violence. Ce cheminement s'est fait entre 2004 et 2006. Le 4ème pilier de l'allégeance aux Frères musulmans est le djihad armé. On le retrouve dans « l'épitre des enseignements » écrite par Hassan Al-Banna et traduite en français par Médiacom, société frériste. Hassan Al-Banna consacre au djihad armé un chapitre entier dans ses épîtres : « L'épître du djihad » que j'ai traduite intégralement dans Pourquoi j'ai quitté les Frères musulmans. Or, au Maroc, la question de l'usage de la force pour opérer un changement de la société ne se posait pas. En effet, les Frères musulmans marocains, à la suite de l'assassinat d'un cadre socialiste, Omar Benjelloum, en 1975 et sous la pression étatique et populaire, ont été obligés de se prononcer en faveur de la solution pacifique, et de prendre leur distance avec la violence. Certes, certains éléments contredisent les discours, mais de manière générale, la question de la violence pour changer les choses au Maroc ne se pose pas. J'ai donc été étonné de découvrir en France, lors de l'étude de ces épîtres la place qu'occupe le djihad armé dans les esprits. Par ailleurs, je suis tombé sur un livre que j'avais ramené avec moi depuis le Maroc, écrit par un auteur syrien, Jawad Saïd, intitulé Doctrine du premier fils d'Adam : la problématique de la violence dans l'action islamiste et publié, pour la première fois, en 1966. Ce livre prône la non-violence au sein du monde arabe. D'ailleurs son auteur est parfois surnommé « le Ghandi du monde arabe ». Les Frères musulmans ont combattu ce livre. Ils l'ont marginalisé. Mais l'année 1966 a également été marquée par l'exécution en Égypte de Sayyid Qutb, théoricien du djihad armé et auteur de Jalons sur la route, une référence pour les djihadistes. Le monde arabe était donc face à un choix : le recours au djihad armé ou la non-violence et le progrès. Nous avons débattu de ce sujet au sein de l'UOIF en 2003 et 2004, en vain.

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