Intervention de Mohamed Louizi

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 29 janvier 2020 à 16h35
Audition de M. Mohamed Louizi essayiste

Mohamed Louizi, essayiste :

Mon premier livre est sous-titré « Retour éclairé vers un islam apolitique ». Qu'est-ce qu'un islam apolitique ? J'ai donc écrit un deuxième livre : Plaidoyer pour un islam apolitique, immersion dans l'histoire des guerres des islams. J'estime que c'est une chance que la République ne fasse rien et laisse aux croyants faire ce travail de critique, de sape des fondations de l'islam politique. L'État n'a pas à dire ce qui est la bonne ou la mauvaise foi. Cela ne le regarde pas. Si l'État veut intervenir dans la gestion, qu'il transforme le CFCM en un syndic de copropriété des murs et meubles des mosquées. Tout ce qui est foi, conception philosophique ou pratiques religieuses ne le regarde pas. Dans cet islam politique, tout le corpus politique est contraire à l'islam tel que je le comprends. Je pense aux mutilations génitales ou à la viande halal. En 2003, l'État a décliné un certain nombre de sujets comme le halal ou les carrés confessionnels dans les cimetières. Dans un islam apolitique, il n'y a pas de place pour un carré musulman. Comment des organisations islamistes peuvent-elles prôner le vivre-ensemble mais exiger, en même temps, de l'État le mourir-séparé ? Ce n'est pas qu'une question juridique. Il y a quelques jours, se tenait à l'Élysée le 30ème anniversaire de la signature par la France de la Convention internationale des droits de l'enfant. Comment peut-on accepter en 2020 que des pratiques religieuses ancestrales restent pratiquées comme l'excision et la circoncision ? Ce débat existe entre les intellectuels arabes et musulmans. Pourquoi en France n'aurait-on pas le droit d'aborder ces questions ? L'État n'a pas à s'immiscer dans les débats internes à la religion, dans la critique de la religion. Il faut que l'État rappelle la liberté de conscience. C'est son devoir, mais qu'il laisse les fidèles de la religion mener le combat d'idées nécessaires pour sortir cet islam ancestral de l'impasse. Notre foi n'a aucun problème avec la modernité, la science, avec l'autre ou avec l'universel. Elle se conjugue à tous les temps mais à condition qu'elle ne définisse pas la loi, le contenu des assiettes, ne délimite pas les carrés pour les musulmans et les non-musulmans, comme pour prolonger dans l'au-delà la division islamiste du monde entre Dãr al-Islam (domaine de l'islam), d'un côté, de Dãr al-Harb (domaine de la guerre), de l'autre.

La déclaration de Mme Belloubet s'inscrit dans un processus. Ce n'est pas une phrase sortie de son contexte. Je souhaite évoquer le document rédigé par l'institut Montaigne en juillet 2016 intitulé « L'islam français, le connaître et l'organiser ». Ce document n'a jamais été publié. Quand je l'ai rendu public, Hakim el-Karoui ne l'a pas contesté, au contraire, il a certifié son authenticité sur mon compte Twitter. Il explique en des termes clairs le projet de l'AMIF, qui vise aussi « l'aggiornamento de la loi 1905 », avant même l'élection du Président de la République. S'en suivra un premier rapport de l'institut Montaigne, en septembre 2016, intitulé « Un islam français est possible ». Puis, deux ans plus tard, en septembre 2018, un deuxième rapport « La Fabrique de l'islamisme ». Entre deux, Hakim El Karoui va publier en janvier 2018 son livre L'islam, une religion française. Tout cela participe à créer un mouvement comme s'ils bénéficiaient de l'aval de l'État pour agir. Or, ils n'ont aucune légitimité. C'est un think tank. Ce n'est pas une assemblée élue. Ils peuvent faire des propositions, mais encore faut-il qu'elles soient conformes au cadre constitutionnel, à l'histoire de la France, à l'avenir auquel nous aspirons tous. Or, ce n'est pas le cas. Dans mon livre La République chez elle, l'islam chez lui, j'explique les liens entre l'institut Montaigne et le Qatar, je reviens sur plusieurs points factuels, pour expliquer que le projet de l'AMIF est favorable à l'islam politique, et notamment aux Frères musulmans. On a demandé à un certain nombre de Frères musulmans de se détacher de la confrérie pour ne pas faire tâche d'huile. Je pense à Tareq Oubrou et Mohamed Bajrafil. On veut nous vendre ce projet comme une solution. Or, ce n'est pas une solution, mais un danger.

La réunion est close à 18 h 40.

1 commentaire :

Le 12/05/2022 à 10:16, aristide a dit :

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"Comment peut-on accepter en 2020 que des pratiques religieuses ancestrales restent pratiquées comme l'excision et la circoncision ? Ce débat existe entre les intellectuels arabes et musulmans. Pourquoi en France n'aurait-on pas le droit d'aborder ces questions ?"

En France, la terreur politico-médiatique s'impose sur la liberté de conscience et d'expression citoyenne...

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