Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 4 février 2020 à 14h30
Droits des usagers des transports en cas de grève — Discussion générale

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Certes, nous avons la chance, dans notre pays, de disposer de droits fondamentaux inscrits dans le marbre de notre Constitution. Force est néanmoins de constater, à la lumière des blocages observés ces derniers mois, que ces droits peuvent entrer en quelque sorte dans une concurrence insoluble si on ne les réglemente pas.

Ainsi, le droit de grève, appliqué au secteur des transports, entre en conflit avec la liberté des Français d’aller et de venir à leur guise, de poursuivre leurs activités, de quelque nature qu’elles soient, et évidemment, en premier lieu, de se rendre à leur travail.

Rappelons que, pendant les grèves du mois de décembre dernier, certains de nos concitoyens ont été contraints d’interrompre leur activité professionnelle, de prendre des congés – payés ou non – ou de renoncer à des déplacements stratégiques.

Les conséquences financières ont été importantes pour beaucoup, notamment les plus fragiles. Cela a aussi eu un impact sur la croissance de notre pays, qui n’a franchement pas besoin de handicap supplémentaire dans le contexte actuel.

La présidente de ma très belle région des Pays de la Loire, Christelle Morançais, a pleinement conscience de cet enjeu et proposait, il y a tout juste deux mois, une obligation de circulation pour au moins un tiers des trains. Elle suggérait même une obligation totale la veille des vacances scolaires, à l’instar de ce se pratique déjà depuis plus de vingt ans en Italie.

Je salue donc l’initiative courageuse de Bruno Retailleau et le travail méticuleux de Mme la rapporteure Pascale Gruny pour aller dans ce sens et produire cette proposition de loi, qui s’attaque à un sujet délicat, que d’aucuns voudraient ériger en tabou absolu.

C’est un texte mesuré, qui prend en compte les réalités exposées précédemment et qui, bien évidemment, n’est pas contraire à notre Constitution. Oui, le droit de grève est un droit fondamental, mais il peut être réglementé. D’ailleurs, cela s’est déjà fait dans notre pays, par exemple dans l’enseignement primaire.

Par les décisions qu’il a rendues, le Conseil constitutionnel a renforcé l’habilitation du législateur à fixer des limites au droit de grève, à concilier la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel la grève peut porter atteinte. C’est la traduction opérationnelle du septième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.

D’un point de vue politique, je veux souligner la position paradoxale de quelques-uns de nos collègues. En effet, on ne peut pas clamer haut et fort son attachement au service public, sa conviction qu’il est indispensable au bon fonctionnement de notre activité humaine, et, en même temps, si j’ose dire, nier la nécessité de sa continuité, contester son utilité à chaque instant !

Si la grève apporte évidemment son lot d’inconforts, voire de nuisances, elle ne peut pas, elle ne doit pas pénaliser l’ensemble d’une population ayant à subir la force de paralysie d’une minorité, quels que soient ses motifs de protestation.

On peut même aller plus loin, sans vouloir donner de leçons aux leaders syndicalistes qui, de toute façon, n’entendent généralement pas grand-chose : il y a fort à parier qu’une grève qui n’entraverait pas les droits des usagers aurait tendance à être plus populaire et mieux acceptée. Elle susciterait même davantage d’adhésion.

Enfin, comment de ne pas admettre unanimement que les blocages dans le secteur du transport de passagers vont totalement à l’encontre des intentions de la transition souhaitée dans le domaine des mobilités ?

Comment ne pas comprendre que, pour changer durablement les comportements, pour créer des habitudes, il est indispensable de pouvoir faire confiance à ce service public censé assumer les orientations inscrites par exemple dans la dernière loi d’orientation des mobilités (LOM) ?

Pour faire consensus sur ces objectifs de bon sens, je vous appelle à voter sans réserve cette proposition de loi !

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