Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 4 février 2020 à 14h30
Droits des usagers des transports en cas de grève — Article 3

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

Jusqu’à nouvel ordre, le droit de réquisition est une compétence exclusive de l’État, exercée par l’intermédiaire des préfets. Ce n’est pas un hasard : il ne s’agit pas simplement de limiter le droit de grève. Le droit de réquisition se justifie par des situations exceptionnelles, à savoir un état de crise, par exemple sanitaire, ou une menace pesant sur l’ordre public.

Or, avec cet article, l’on nous propose de privatiser cette compétence régalienne, en la sous-traitant. Cécile Cukierman vient de le rappeler, il s’agit de la confier aux autorités organisatrices de transport, au premier rang desquelles les régions. Mais, ensuite, ces autorités organisatrices demanderont aux entreprises, qui peuvent être publiques ou privées, d’exercer la réquisition !

Je ne comprends pas comment des personnes, d’habitude très attachées à l’État et au maintien de ses compétences, peuvent ainsi transférer à des entreprises une part de son autorité…

Je le dis très clairement : à mon sens, cet article ne tient pas debout. En effet, l’on ne donne pas aux entreprises en question la capacité de réquisitionner. De plus, ces dispositions sont rédigées de manière très imprécise : elles n’indiquent pas de quelle manière l’on pourrait réquisitionner les salariés.

Par un arrêt du 15 décembre 2009, la Cour de cassation affirme sans aucune ambiguïté qu’un salarié gréviste ne peut être passible de sanction pour avoir refusé une réquisition, en vertu du cadre fixé par la loi, que je viens d’évoquer.

Il faudrait donc que la Cour de cassation revoie sa jurisprudence. Surtout, on ne nous dit pas quelles sanctions seraient infligées ; on ne nous dit pas comment ce droit de réquisition serait appliqué, dans les entreprises à statut comme dans les entreprises régies par le code du travail, et par quels moyens.

Ce travail a été mené au mépris de la rigueur juridique et des principes républicains : ce n’est pas sérieux. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 3 !

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