Si la loi sur le développement que vous avez mentionnée est votée, nous formerons un groupe dont la maison mère aura deux filiales, l'une privée, Proparco, l'autre publique, Expertise France. Nos 3 000 collaborateurs sont présents dans 115 pays. Notre logique d'intervention est calquée sur celle de la Caisse des dépôts et consignations, cette « grande soeur » avec qui nous avons passé une alliance. Notre modèle économique est robuste : nous gérons 3 milliards d'euros d'argent public, dont 2 milliards d'euros pris sur le budget de l'État français et 1 milliard d'euros en provenance de la Commission européenne. Le complément tiré des ressources du marché porte notre capacité financière annuelle à 14 milliards d'euros. Cette année, nous avons enregistré 8 milliards d'euros de décaissement. Notre modèle économique est soutenable, puisque nous dégageons chaque année de 150 à 200 millions d'euros de résultat net et que nous versons un dividende à l'État. Quelque 20 % de nos salariés sont de droit privé et la maison ne reçoit aucune subvention de fonctionnement.
Depuis la Conférence sur le climat de 2015, notre politique a gagné un mandat international beaucoup plus fort et notre maison a grandi. Elle a légèrement dépassé sa prévision de l'année dernière, à 14,1 milliards d'euros plutôt que 13,9. Nous avons désormais atteint une taille critique, qu'il nous reste à consolider. L'Afrique est au coeur de notre activité géographique puisqu'elle en représente 50 % ; l'Orient occupe également une place importante, le long des routes de la soie ; nous cherchons à organiser une activité pertinente sur le continent américain, et nous oeuvrons aussi dans le département des trois océans qui mêle nos territoires ultramarins et leurs voisins. Nous sommes en train de redynamiser le mandat de l'agence outre-mer.
Avec M. Jean-Yves Le Drian, nous suivons de manière très précise le pilotage du milliard d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires que vous avez voté dans la loi de finances pour 2019, portant ainsi nos ressources à 1,5 milliard d'euros. La priorité est donnée à l'Afrique, pour des activités qui concernent le climat, la gouvernance, ou encore le genre. Nous veillons à travailler avec tous les acteurs, et pas seulement les gouvernements, pour trouver le chemin financier le plus efficace jusqu'aux populations.
L'AFD ne représente qu'un peu moins de 50 % de l'aide publique au développement française qui inclut beaucoup d'autres éléments, comme les contributions multilatérales, l'aide aux réfugiés, l'appui à l'enseignement à l'étranger, ou encore la restructuration de la dette. L'un des prismes qui définit notre action est celui des dons que nous faisons, grâce aux subventions budgétaires que vous votez chaque année. Ces dons vont d'abord au Mali, Burkina Faso, Tchad, ou encore Niger, compte tenu de la crise sahélienne. Notre effort financier doublé de la bonification des prêts concessionnels porte sur le Maroc, le Sénégal, la Côte d'Ivoire, l'Éthiopie et la Palestine. Enfin, 14 milliards d'euros d'engagements financiers vont vers des pays émergents, dont le Brésil, l'Indonésie, la Chine ou le Mexique.
Dans les pays du Sahel, nous avons divisé par deux les temps d'instruction des projets compte tenu de l'urgence à agir. Nous travaillons selon le mode dit « 3D » - diplomatie, défense, développement. Nous avons engagé 700 millions d'euros l'année dernière dans cette zone.
En 2020, le débat sur la loi d'orientation et de programmation pour le développement devrait permettre de redéfinir le dispositif de pilotage politique et opérationnel de l'AFD. Un nouveau contrat d'objectifs et de moyens est en cours de discussion. La commission de la défense et des affaires étrangères du Sénat en sera saisie, puis l'on définira le projet d'entreprise de notre agence, en revisitant tous les piliers, systèmes d'information, statut du personnel, efficacité des interventions.
L'évaluation est une priorité. La création d'une commission indépendante dédiée est à l'étude, qui pourrait observer de façon parfaitement transparente et objective les versements opérés. Notre palier d'engagements devrait rester à peu près le même à 14,1 milliards d'euros, l'an prochain, mais nous souhaitons passer de 6,3 à 8,6 milliards d'euros de décaissement de dons pour progresser sur la mise en oeuvre des projets.
J'aspire à ce que notre maison ne soit pas pilotée uniquement par son volume financier, mais aussi par l'impact de ses actions. Nous devons pouvoir vous rendre des comptes sur les changements réels que nous aurons permis, qu'il s'agisse du nombre de jeunes filles scolarisées ou de l'accès à l'eau potable et à l'électricité. Je souhaite également que nous puissions être jugés sur notre capacité à mobiliser et à orienter nos grands partenaires internationaux, la Banque mondiale, le Fonds vert pour le climat, ou bien encore l'Union européenne, mais aussi les collectivités territoriales françaises et les organisations de la société civile.
Nous essaierons de vous rendre des comptes très précis sur les montants mobilisés. Si l'on ajoute la ressource de marché au 1,5 milliard d'euros de dons voté l'an dernier, le financement atteint 11,5 milliards d'euros. En mobilisant nos partenaires, ce montant pourrait tripler, pour atteindre 30 milliards d'euros d'actions à l'étranger au service, bien sûr, des priorités politiques et de l'influence de notre pays. Voilà pourquoi il est intéressant de mesurer notre performance, à la fois dans son impact et dans la mobilisation des acteurs.