Intervention de Rémy Rioux

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 5 février 2020 à 9h40
Audition de M. Rémy Rioux directeur général de l'agence française de développement

Rémy Rioux, directeur général de l'Agence française de développement :

Le comité de pilotage se réunit tous les deux mois, en présence du cabinet du ministre et de la direction générale de la mondialisation. Je m'y rends avec Jean-Pierre Marcelli, directeur exécutif des opérations de l'AFD. Cela nous permet de nous assurer périodiquement des priorités politiques, de programmer les crédits, d'évoquer les questions d'évaluation et de décaissement. Un comité de ce genre a également été instauré avec la ministre des outre-mer sur les sujets ultramarins. Ce sont des instruments très précieux de pilotage de l'agence.

Le montant des autorisations d'engagement voté par le Parlement pour les dons de l'AFD a été réduit dans la loi de finances de 2020. Nous nous ajustons évidemment. En revanche, le montant des crédits de paiement a lui fortement augmenté : il est passé de 327 millions d'euros à 465 millions d'euros dans le programme 209. Nous avons donc les moyens de mettre en oeuvre les montants engagés. Notre niveau d'engagement se situe toujours autour de 14 ou 15 milliards d'euros, ce qui est un montant élevé.

Nous allons évidemment chercher de façon très dynamique les ressources européennes. Nous serions critiquables si nous substituions de la ressource budgétaire nationale à de la ressource budgétaire européenne. Cela ne s'est absolument pas passé depuis que je suis directeur général. Au contraire, on se sert de la ressource budgétaire que vous votez pour la démultiplier en mobilisant l'argent européen ou international. Nos marges de manoeuvre sont importantes, nous sommes la première agence européenne à mobiliser les fonds européens.

Le déliement fait l'objet d'un débat récurrent. La décision a été prise par le gouvernement français au début des années 2000 de délier les financements internationaux de l'AFD. Cette décision nous a permis de nouer des partenariats avec nos pairs et de nombreux acteurs. Les entreprises françaises ont compris que la capacité démultiplicatrice de l'AFD leur permet d'avoir accès à des marchés de taille beaucoup plus importante. Leur pourcentage de chances de remporter un marché est moindre, mais le gâteau est beaucoup plus grand. Au début des années 2000, les financements de l'AFD s'élevaient à 1 milliard d'euros, contre 14 milliards d'euros aujourd'hui. Notre capacité à mobiliser d'autres financeurs est vraiment démultipliée. Les entreprises françaises ont compris cette dynamique. Le groupe Vinci regagne des marchés, y compris face à des entreprises chinoises, grâce à des financements de l'AFD, de la Banque mondiale ou d'autres institutions. Le contexte concurrentiel est aujourd'hui différent de celui d'il y a quinze ans.

Par ailleurs, notre responsabilité est d'embarquer les entreprises françaises en Afrique. Je me réjouis qu'elles gagnent les marchés de l'AFD. Je souhaite que des acteurs français s'engagent, investissent, fassent du développement durable dans l'ensemble des pays du Sud.

L'Afrique représente 50 % de l'activité de l'agence. Nous cherchons à conserver la moitié de notre activité en Afrique, même si ce n'est pas toujours facile, mais nous y parvenons pour l'instant. Par ailleurs, on essaie de changer la perception que l'on a de l'Afrique en France. À cet égard, nous venons de publier un livre sur l'économie africaine. Outre un chapitre conjoncturel, il contient des chapitres thématiques, sur les villes, les migrations, sur la base de données consolidées. La grande injustice qu'on fait à l'Afrique, qui déforme la vision que nous en avons, c'est qu'on la coupe en deux : d'un côté l'Afrique du Nord, de l'autre l'Afrique subsaharienne. On ne fait jamais l'addition des deux. Quand les gens parlent de l'Afrique, ils parlent en fait de l'Afrique subsaharienne. Personne ne sait ainsi que la population et la richesse de l'Afrique sont équivalentes à celle de l'Inde aujourd'hui. Tout le monde pense que l'Inde est un marché très important, mais que l'Afrique est un marché beaucoup plus difficile. Il faut donc changer les perceptions. Personne ne sait non plus que la zone en Afrique où le taux de croissance est le plus élevé est le Sahel - il est de 5,5 % en ce moment. Peut-être y a-t-il de l'insécurité dans le Sahel parce qu'il y a de la croissance.

Sur les biens mal acquis, notre seul message est le suivant : nous sommes votre agence, si le Parlement vote un dispositif en la matière, nous le mettrons en oeuvre. Nous avons l'habitude de gérer la restitution de fonds à des pays - je pense aux contrats de désendettement et de développement -, avec une gouvernance permettant de les affecter à des projets de développement, dont on vérifie les effets et la qualité. J'ai lu que les biens mal acquis représentaient 150 millions d'euros, lesquels pourraient être restitués et orientés vers des projets de développement. On peut aussi imaginer que d'autres institutions de développement, comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement puissent être chargées de cette restitution pour les autorités françaises, si les États sont d'accord.

Proparco est la filiale de l'AFD qui finance les entreprises du Sud. Elle est très active, avec un résultat de 2,5 milliards d'euros. Son directeur général Grégory Clemente se tient à votre disposition si vous souhaitez qu'elle vous soit présentée.

L'AFD n'accorde plus de financements aux entreprises, Proparco est donc le guichet pour les entreprises du Sud qui se tournent vers la France. D'un point de vue stratégique, l'objectif est de rapprocher Proparco de l'AFD, de mesurer beaucoup plus précisément son impact, de lui confier aussi des ressources budgétaires afin de lui permettre d'intervenir auprès d'entreprises plus fragiles - des PME, des start-up. Une initiative Choose Africa - le pendant de Choose France - a été mise en oeuvre, avec un plan de prêts et d'investissements à hauteur de 2,5 milliards d'euros sur quatre ans. On articule l'action de BPI France, qui finance les entreprises françaises, et celle de l'AFD et de Proparco, qui financent les entreprises africaines. Tout l'art entre nos deux maisons est de se passer les clients et de créer le maximum de liens positifs pour notre tissu économique et celui des pays concernés.

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