Plusieurs d'entre vous ont parlé de sens et de philosophie du développement. En 2015, outre la signature de l'accord de Paris sur le climat, les Nations unies se sont entendues pour la première fois sur des objectifs de développement durable que tous les pays du monde devront atteindre d'ici à 2030. Les politiques de développement s'en trouvent nécessairement transformées. Elles ne peuvent plus simplement se traduire par des transferts des pays du Nord vers les pays Sud, visant à ce que ces derniers deviennent comme nous. Compte tenu de l'urgence environnementale, nous sommes tous entrés en transition pour construire un monde où l'indice de développement humain resterait élevé, mais dans lequel on ne dégraderait plus la planète.
La politique de développement, ce n'est plus simplement de faire en sorte que les gens deviennent comme nous ; c'est vraiment échanger des expériences, des solutions de développement durable, de transition, y compris avec des pays très pauvres.
À chacun de mes déplacements, je trouve quelque chose que l'on n'a pas chez nous. Par exemple, l'Afrique est en avance sur nous pour les énergies renouvelables. Je vous encourage à m'accompagner sur le terrain pour voir cela.
Aussi, notre mission, et c'est le sens de notre rapprochement avec la Caisse des dépôts, est de rapporter dans notre propre pays ce que nous apprenons, ce que nous finançons, ce que nous accompagnons dans le reste du monde, dans les pays pauvres comme dans les pays émergents. Cela suppose, à un moment, de parler aux Français de ce que nous faisons. Vous verrez, dans cinq ans, nous rirons de cette discussion tant notre grammaire commune aura évolué.
Nous nous efforçons également de trouver des synergies entre l'aide au développement et les financements européens. Par exemple, aujourd'hui, le coronavirus est suivi dans l'océan Indien par un centre que finance l'AFD à la Réunion.
Monsieur Carcenac, vous avez évoqué les nouvelles routes de la soie. Là aussi, on pourrait en parler pendant de très longues heures. Sachez qu'un haut fonctionnaire de l'AFD a pour périmètre géographique exclusif les routes de la soie, avec autorité hiérarchique sur les directions régionales et les directions pays de l'AFD en Asie centrale. Je vous invite à l'auditionner, car il sera beaucoup plus complet que moi.
Au-delà, nous devons aller chercher la Chine. Actuellement, nous travaillons sur un projet au Sénégal avec une banque chinoise, projet qui devra respecter nos normes sociales et environnementales. Pourquoi ne pas le faire à plus grande échelle, tout au long des nouvelles routes de la soie, car le changement climatique se joue partout ? Doit-on continuer à financer des centrales à charbon ? Sinon, par quoi les remplacer pour apporter de l'énergie à des pays en développement qui nous reprochent justement d'être à l'origine du réchauffement climatique ?
Monsieur Bascher, je suis un ancien fonctionnaire du Trésor, j'ai été secrétaire général du Quai d'Orsay, donc je connais très bien les tutelles et je les respecte. Je suis très attaché au rôle du ministère des finances dans la politique de développement. Il y a un fort prisme africain à la direction du Trésor, ce qui n'est pas le cas partout dans le monde. C'est une chance pour la France. Notre réseau est au service des ambassadeurs, et, s'il y a un problème avec l'un de nos collaborateurs à l'étranger, je vous prie de bien vouloir le faire remonter. Je jouerai alors mon rôle de directeur général. Enfin, Monsieur le sénateur, s'agissant de notre intervention, il faut bien distinguer entre l'aide par don pour les pays très pauvres et l'aide par prêt. Je forme le voeu que la future loi sur le développement apporte des précisions sur notre doctrine en la matière.
MM. Raynal et Gabouty m'ont interrogé sur les collectivités locales. En cette période de contrainte budgétaire, nos collectivités ont tendance à réduire leurs programmes de coopération internationale, mais sachez que nous pouvons cofinancer des projets jusqu'à 75 %. Apportez-nous des projets ! Nous sommes demandeurs.
L'AFD est la seule agence de financement à financer directement des collectivités locales du Sud. La Banque mondiale ne sait pas faire. Évidemment, il faut que la loi du pays l'autorise.
Je prends souvent l'exemple de la ville de Medellin, à laquelle nous avons apporté un financement. Medellin, c'était la ville de Pablo Escobar, la ville la plus dangereuse du monde. L'AFD s'y est rendue et a trouvé un maire qui voulait changer les choses. Nous y avons financé le réseau de transports de la ville de Medellin, avec l'aide de la société POMA. Il y a maintenant un système de téléphérique qui relie les favelas au centre-ville bourgeois, ce qui a contribué à recréer du lien social. Aujourd'hui, je demande à nos collaborateurs d'essayer de financer les services publics, notamment en Afrique, en passant par des acteurs autres que les États centraux, ces acteurs pouvant être, bien évidemment, des collectivités locales.
Je conclus en battant en brèche une idée reçue. Il est faux de dire que l'Afrique est surendettée. L'Afrique est la région du monde qui porte le moins de dettes, à savoir 30 % du PIB global. Certes, certains gouvernements africains sont surendettés, mais les collectivités locales et les autres acteurs ne le sont pas. Nous devons leur proposer des financements, tout en restant dans le domaine du raisonnable pour éviter une nouvelle crise de la dette dont l'Afrique a mis trente ans à sortir. Et nous comptons sur les collectivités locales françaises à cet effet.